deux Océans ; là se dirigent enfin les routes du sud-ouest, qui servent de déversoir aux estancias riches en céréales, riches en bestiaux, que la civilisation a depuis peu conquises sur les sauvages voisins de la Patagonie. Montevideo n’a donc qu’une importance secondaire comme succursale de Buenos-Ayres. Que ces deux villes soient ennemies, que leurs relations soient suspendues, et Montevideo n’est plus que la capitale de l’état pauvre encore de l’Uruguay. Les plus beaux discours ne changeront rien à cet ordre de choses ; Montevideo ne sera jamais, à l’égard de la confédération argentine, qu’à peu près ce qu’est Marseille à l’égard de la France. C’est par le commerce, par l’industrie, par une émigration laborieuse et honnête que nous fonderons notre influence en Amérique. Vouloir la créer par les armes, vouloir établir, impérialement notre supériorité, c’est oublier le sentiment d’indépendance qui anime tout Américain. Il n’est plus permis aujourd’hui de se faire la moindre illusion sur ce point. Si l’Amérique du Sud offre à notre navigation de si belles perspectives, c’est à la condition que nous nous y présenterons avec un esprit de paix ; elle se fermerait devant nous, si nous y portions l’agitation et la guerre.
Nous voulons dire un mot des pièces publiées ces derniers jours sur la question du tombeau de l’empereur. En parcourant les pièces de ce procès, car c’est un procès de comptabilité beaucoup plutôt qu’une question politique, nous voyons bien que l’affaire du tombeau, pour nous servir du terme employé dans le rapport, n’a pas été conduite avec la prudence et la régularité nécessaires. Les crédits alloués ont été grandement dépassés. Les plans ont été mal conçus. Les devis n’ont pas été rédigés avec soin. Les évaluations de la dépense ont été fautives Nous sommes pleinement d’accord là-dessus avec la commission ; mais nous eussions désiré qu’elle en fût restée là, car nous ne voyons pas, en vérité, pourquoi elle est allée plus loin. On insinue dans le rapport que le désordre a été calculé ; on fait allusion à des complaisances coupables ; on parle de fonctionnaires indifférens à leurs devoirs, qui se laissent emporter à l’irrésistible séduction des grands travaux, lesquels, dit-on, procurent à la fois de l’influence, de la renommée et du profit ! A qui s’adressent ces accusations ? De qui s’agit-il ? S’il ne s’agit de personne en particulier, ce ne sont donc que des suppositions. Dans ce cas, il eût été convenable de s’abstenir.
Si l’on a voulu désigner quelqu’un, il eût fallu s’exprimer d’une manière moins vague. Quand on accuse, il faut toujours parler nettement. La minorité de la commission a été de cet avis, car elle a protesté énergiquement contre les insinuations du rapport ; mais il n’a pas été tenu compte de ses observations. Que devons-nous penser de tout cela ? Faut-il croire que la majorité de la commission a été tracassière, malveillante, qu’elle s’est laissé aller trop facilement à des soupçons injustes, qu’elle n’a pas été fâchée de mettre en cause un ancien ministre de la monarchie, qu’elle a cru que cela aurait bon air vis-à-vis de la république ? Et de fait, les mauvaises langues de la république ont déjà singulièrement abusé du rapport de la commission. N’importe, nous aimons mieux croire que les honorables membres qui composaient cette commission ont été complètement étrangers à des considérations de cette nature. Pour eux, pour l’honorable rapporteur surtout, la question du tombeau de l’empereur a été une question d’art. Or, lorsque les arts s’introduisent dans la politique, ils