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laissé se consommer la révolution ministérielle du 31 octobre, sans demander aucune de ces explications solennelles qui étaient de mise dans la monarchie constitutionnelle. Ce qui nous faisait penser au mois de novembre qu’il était bon que le gouvernement parlementaire sommeillât un peu, c’est qu’il nous semblait juste de laisser à la pensée et à l’action du président plus de latitude qu’elle n’en avait eu jusque-là. Cette action s’est exercée avec pleine indépendance, sans que l’assemblée s’en soit mêlée, et nous sommes heureux de pouvoir louer la direction énergique et ferme qui a été donnée par le président et par ses ministres à l’administration dans les départemens. Le parti socialiste a été hardiment combattu. Cela fait l’éloge des préfets, et cela reporte naturellement notre pensée vers celui des ministres de l’intérieur qui a le premier entrepris la régénération de l’administration départementale, M. Léon Faucher. À côté des bons choix que le gouvernement a faits depuis trois mois, il y en a eu aussi de médiocres en dedans et en dehors de la politique. Au bien comme au mal de ces deux derniers mois, l’assemblée est restée tout-à-fait étrangère. Elle le devait ; mais maintenant qu’après les mesures administratives viennent les lois, cet isolement et cette abnégation de l’assemblée ne sont plus possibles, et il faut nécessairement que le pouvoir exécutif se mette en rapports, et nous ajoutons, en bons rapports avec l’assemblée. Dès qu’il s’agit de lois à faire, le concours de l’assemblée est indispensable. Le pouvoir législatif est alors dans son domaine, et nous regretterions qu’on lui refusât, dans le cercle de son action légitime, la latitude que nous réclamions aussi, il y a deux mois, pour le pouvoir exécutif dans le cercle aussi de son action légitime.

Est-ce à dire que nous approuvons tout ce qui se fait et tout ce qui se dit à l’assemblée ? Est-ce à dire que nous approuvons le décousu et le désordre trop fréquent des délibérations ? Il s’en faut de beaucoup. Quand par exemple la majorité s’amuse à ne pas donner toutes ses voix à M. Dupin et fait des malices de scrutin à un président qui défend courageusement l’ordre des délibérations et les rend possibles, nous n’hésitons pas à trouver que M. Dupin, en refusant d’accepter la présidence des mains d’une majorité trop réduite, a eu raison et a bien compris ce qu’il devait à la dignité et à l’ascendant même de ses fonctions. Non, ce n’a pas été par une vaine susceptibilité que M. Dupin a donné sa démission. Il faut au président de l’assemblée, pour lutter contre la montagne, l’appui décisif de la majorité, et cet appui, c’est surtout par l’ensemble de ses votes dans le scrutin de la présidence que la majorité peut le donner. À qui l’assemblée, depuis six mois et plus, doit-elle de pouvoir délibérer, en dépit des fureurs de la montagne ? A l’infatigable énergie de M. Dupin, à sa présence d’esprit, à ces réparties spirituelles et courageuses qui terrassent la montagne en la ridiculisant. La montagne, soyez-en sûr, craint bien plus la langue que la sonnette de M. Dupin. Or, la sonnette, tout le monde peut la tenir et l’agiter ; mais la parole vive et mordante de M. Dupin, c’est lui seul qui en a le secret, et il le garde. Il peut arriver, nous l’avouons, que, dans le nombre des épigrammes qui s’échappent du fauteuil de la présidence, quelques-unes aillent tomber sur quelques membres de la majorité. Nous plaignons les blessés ; mais ils ne doivent ni trop se plaindre eux-mêmes ni surtout trop se souvenir. Nous blâmons donc, comme on le voit, l’assemblée quand elle nous semble