Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DE


L'ETAT MORAL


DE


NOTRE EPOQUE.[1]




Il n’est personne qui ne sente et qui ne dise que l’époque où nous vivons n’est point une époque ordinaire. Pour l’observateur le moins attentif, c’est en effet chose évidente que nous traversons une de ces crises d’où les sociétés humaines sortent dissoutes ou régénérées. Comment notre civilisation si brillante et si fière se trouve-t-elle aux prises avec cette alternative redoutable ? Il est aisé de le comprendre. Une grande et antique société était encore debout il y a soixante années ; elle avait reçu en héritage des générations antérieures une foi religieuse, une règle des mœurs, toute une organisation qui embrassait dans ses cadres immenses le foyer domestique, ; la vie civile, l’état. Cet édifice semblait éternel : il est tombé pourtant, abattu pièce à pièce par les coups répétés des révolutions. C’est que, parmi les idées qui faisaient la force et la vie de l’ancienne société, si un grand nombre s’appuyaient sur la vérité et la justice éternelles, beaucoup d’autres n’étaient

  1. L’auteur des pages qu’on va lire ouvrait hier, à la Sorbonne, un cours de philosophie morale. Ce morceau en est l’introduction.