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rafale de la brise, les arbres secouaient leurs têtes humides et faisaient pleuvoir de courtes ondées qui grésillaient sur les buissons. J’avais le cœur serré et la tête en feu : cet air frais me soulagea ; je respirai plus à l’aise. Nos chevaux marchaient de front sur l’herbe d’un chemin désert, sans que l’on entendit le bruit de leurs pas. Nous-mêmes, nous gardions le silence, encore émus du spectacle que nous quittions. Arrivés à un carrefour, nous tournâmes à droite ; selon la recommandation du taupier, en nous rapprochant de la colline ; mais tout à coup les chevaux tendirent le cou, puis s’arrêtèrent : un éboulement récent barrait le chemin.

— C’est sans doute la petite pierrière, dit mon compagnon.

Et il toucha sa monture de l’éperon pour la forcer à approcher ; mais, au bruit des fers contre les cailloux, une ombre s’élança de la crevasse qui éventrait le coteau, rencontra un rayon de la clarté stellaire, et nous reconnûmes les traits inflexibles du rouleur. Il nous aperçut, se jeta dans un sentier qui traversait la friche, et disparut.

— L’avez-vous reconnu ? m’écriai-je en me tournant vers mon compagnon.

— C’est Claude.

Que pouvait-il faire encore là ?

— Il cherchait le trésor.

— Quoi ! même après cette mort ?

Dites à cause d’elle ; n’était-elle pas une des conditions de la découverte ? Vous ne connaissez pas l’implacable ténacité de ces chasseurs de rêves ! Pour arriver au but qui fuit devant eux, ils ne regardent point si leurs pieds marchent dans les ruines ou dans le sang. Livrés à une seule idée, comme les possédés du démon, ils ne voient rien autre chose. Eclatans ou obscurs, vous les trouverez toujours les mêmes, le nom seul changera, et, selon qu’ils voudront poursuivre l’égalité, la gloire ou la richesse, vous les entendrez appeler Marat. Érostrate ou le rouleur.


EMILE SOUVESTRE.