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On sait que notre globe n’est arrivé que par degrés à sa configuration actuelle. Avant de présenter les reliefs et les dépressions que retracent nos cartes de géographie, sa surface a subi de nombreuses convulsions, séparées l’une de l’autre par de longs intervalles de repos. Pendant les périodes de calme, des terrains s’amoncelaient, des couches se superposaient au fond des vastes mers de ces âges géologiques ; puis, lorsque l’heure d’un nouveau cataclysme était venue, les forces momentanément endormies au centre du globe se réveillaient, poussaient, au travers des dépôts récens, les roches sous-jacentes, et faisaient surgir un continent jusque-là submergé, une nouvelle chaîne de montagnes. De vastes dislocations, des plissemens, des ruptures, des redressemens de couches accompagnaient chacun de ces soulèvemens, et c’est dans ces masses bouleversées, dans les rapports qui les unissent, que la science moderne a su retrouver, souvent avec une incroyable certitude, l’histoire de ces révolutions.

À l’époque où prenaient naissance les terres qui entourent la baie de Biscayen l’Europe en général, la France en particulier, ne ressemblaient guère à ce qu’elles sont de nos jours. Déjà douze soulèvemens avaient eu lieu[1]. L’Auvergne, la montagne Noire, les Cévennes, formaient une sorte de continent qui s’étendait jusqu’aux Ardennes et aux ballons des Vosges ; la Bretagne, une portion de la Normandie, le Maine et la Vendée s’allongeaient en presqu’île irrégulière et se rattachaient par le Poitou à ce plateau central ; la Flandre, la Picardie, la Champagne, le bassin de Paris, la Haute-Normandie, la Touraine, le midi de la France et le nord de l’Espagne n’étaient qu’une vaste mer où s’élevaient çà et là quelques îles. Au fond de cette mer se déposaient les derniers terrains secondaires, les terrains crétacés, qui, par leur épaisseur et leur variété, attestent que cette période eut une très longue durée. Cet état de repos fut troublé une première fois par le treizième soulèvement, celui du mont Viso, qui donna naissance aux Alpes françaises. Puis, après une nouvelle période de tranquillité, survint le quatorzième soulèvement. Celui-ci fut un des plus considérables dont la terre ait gardé la trace : il s’étendit depuis l’extrémité occidentale de l’Europe jusque dans l’Amérique septentrionale, à travers toute l’Asie, et c’est à lui surtout que les Pyrénées durent leur relief actuel[2]. L’éruption

  1. Les numéros que nous donnons aux soulèvemens sont ceux que M. Élie de Beaumont a adoptés dans sa dernière publication sur ce sujet. (Article Systèmes de montagnes dans le Dictionnaire universel d’histoire naturelle.)
  2. La forme actuelle des chaînes de montagnes n’est pas due à un seul soulèvement. M. de Beaumont admet que les Alpes, telles que nous les voyons de nos jours, ont été pour ainsi dire modelées par au moins cinq soulèvemens ; les Vosges, par une douzaine. Selon M. Durocher, on trouve dans les Pyrénées les traces superposées de sept bouleversemens successifs. Souvent, sur un espace assez restreint, divers systèmes de montagnes de direction et d’âge différens semblent être accumulés comme à plaisir. Ainsi, MM. Boblaye et Virlet ont reconnu en Morée jusqu’à neuf soulèvemens distincts. (Article Systèmes de Montagnes.)