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Tout étranger, en arrivant à Bayonne, va visiter Biarritz. Je me gardai bien de manquer à l’usage et me mis aussitôt en quête des moyens de transport. Jadis la course se faisait en cacolet. Sur le dos d’une monture quelconque, cheval ou mulet, on plaçait un appareil assez semblable au double panier de l’âne. Le voyageur s’asseyait d’un côté et avait pour contre-poids la cacolétière, belle Basquaise aux yeux noirs, à l’esprit vif, à la repartie prompte. On suivait des sentiers sablonneux où trotter était impossible. La conversation s’engageait, la route s’allongeait d’autant, et bien des fois le touriste et son guide se reposaient dans les grottes de la Chambre d’amour. Les progrès de la civilisation, le besoin de communications plus rapides et plus fréquentes, ont mis fin à ces voyages pittoresques. Une route passablement entretenue a relié Biarritz à Bayonne. Omnibus et coucous, décorés du nom de diligences, l’exploitent avec une activité que redouble la concurrence de nombreux cabriolets ; mais, sur leurs banquettes poudreuses et fort mal rembourrées, plus d’un voyageur, j’en suis certain, a regretté le cacolet.

Quoi qu’il en soit, Biarritz vaut bien une heure passée à avaler la poussière et à supporter les cahots. Ce village est la réalisation d’un joli décor d’opéra-comique. Qu’on se figure un plateau à mi-côte, suivi d’une gorge profonde rapidement inclinée vers la mer, encaissée dans les montagnes et les rochers, avec ses précipices et ses ravines, tout cela abrupt et sauvage, mais réduit aux proportions de la miniature tel devait être Biarritz avant de devenir un des plus célèbres bains de mer de notre midi. Ses deux collines avancent dans la mer en forme de cap à deux pointes. À gauche, à la Pointe des Basques, commence une haute falaise, qui se prolonge au loin vers le sud. À droite, l’Atalaï sème sur toute la Côte des Fous ses roches percées, ses écueils isolés, tous plus ou moins bizarrement façonnés par les vagues qui les rongent rapidement. Entre la Pointe des Basques et l’Atalaï se trouve le Port-Vieux, d’où partaient autrefois, tous les ans, plusieurs navires baleiniers, et qui, perdant chaque jour en étendue, n’abrite plus aujourd’hui que quelques barques de pêcheurs. C’est dans ce cadre admirable que sont dispersées les habitations. Les unes, occupant le plateau et le fond de la vallée, forment la place du village et sa rue principale ; les autres sont groupées çà et là un peu au hasard et au gré des accidens du