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cheveux d’un noir de jais, avec un port plein de dignité et de grace, avec le type en un mot des Andalouses, une peau qui rivaliserait de blancheur et de transparence avec celle des Anglaises. La race espagnole, qui a combattu les Américains long-temps et avec courage, peut être évaluée à huit mille ames.

Les Indiens, jadis si heureux et si avancés en civilisation sous le régime des jésuites, ces rois missionnaires qui ont laissé une empreinte ineffaçable sur tous les points du continent américain, sont à la veille de disparaître. Les gens venus de l’Orégon les traquent littéralement comme des bêtes fauves, et les abattent à coups de rifle avec le même sang froid que s’ils avaient affaire à des loups ou à des tigres. Avides de vengeance, les malheureux Indiens s’en prennent indistinctement à tous les étrangers du mal que leur font les Orégoniens. Aussi la guerre a-t-elle pris peu à peu un caractère général, à tel point que nombre de personnes qui plaignent sincèrement les populations indiennes sont forcées de les combattre dans un intérêt de défense personnelle. La responsabilité et la honte d’un pareil état de choses reviennent à l’Union américaine, qui, malgré les emphatiques protestations de ses sociétés philanthropiques, malgré la lettre même de sa constitution, qui proclame tous les hommes égaux devant Dieu, maintient non-seulement l’esclavage sur son propre territoire, mais détruit sans miséricorde les Indiens partout où elle les trouve sur son passage. Seule parmi les nations civilisées, la France a su éclairer et émanciper les tribus soumises à sa domination sur le continent américain. La gloire de ce résultat revient d’abord, il faut le reconnaître, à son génie essentiellement sympathique ; mais une part de cette gloire appartient aussi à un ordre religieux non moins riche en apôtres qu’en martyrs, et qui, en Californie comme au Canada, comme au Paraguay, a tiré les populations indiennes d’une profonde décadence physique et morale, en les initiant aux bienfaits de, la civilisation chrétienne. Que de fois n’ai-je pas entendu les citoyens éclairés des États-Unis eux-mêmes rendre hautement hommage à la bienfaisante et féconde influence qu’avaient exercée les ordres religieux catholiques dans les deux Californies ! Tout en admirant cette activité audacieuse et persévérante que déploie la race américaine sur les bords de la mer Pacifique, ils reconnaissent avec douleur que le cachet d’une pensée religieuse, d’un intérêt supérieur aux intérêts terrestres, manque à tant de prodigieux résultats. « Nous creusons, disaient-ils, des canaux qui se combleront, nous perçons avec nos rails les forêts et les montagnes, nous torturons la terre avec nos machines compliquées ; mais nous passerons sur ce continent, où tant de races ont vécu et passé avant nous et sans laisser aucun de ces monumens