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une contrée malsaine et inhospitalière, ou si elles sont quelque chose de tangible et de réel.

Une chose m’avait frappé pendant la traversée : c’est qu’à mesure que nous approchions du terme de notre voyage, les doutes augmentaient au sujet de la Californie. Ainsi, à Valparaiso, on avait bien constaté et on admettait le fait de l’existence des mines d’or ; mais on se figurait assez généralement que le pays était malsain, qu’il n’y existait ni lois ni gouvernement, et qu’il arrivait presque toujours qu’on payât de sa vie d’assez médiocres résultats. À Taïti, point séparé de San-Francisco par quarante jours de mer seulement, aux îles Sandwich, point encore plus voisin, on rencontrait les mêmes doutes, les mêmes défiances, la même curiosité. Tout le monde était sur le qui-vive dès qu’il arrivait un navire de l’Eldorado, tout le monde était avide de renseignemens nouveaux, et cependant personne ne pouvait se faire une idée nette du véritable état des choses.

Nous ne sommes plus qu’à trente lieues de la côte, et déjà on reconnaît, au nombre et à la diversité des pavillons qui se croisent autour de nous, le voisinage d’un grand centre d’affaires. À notre gauche se montre à l’horizon un trois-mâts français dont la longue traversée va se terminer en même temps que la nôtre ; voici, à droite, un bâtiment anglais de Shang-hae, avec toute une colonie de Chinois à son bord. Nous pouvons distinguer les fronts pâles à contours réguliers, les tailles ramassées de ces habitans du Céleste Empire, pendant qu’ils se pressent contre les bastingages pour nous voir passer et admirer les bouches béantes de notre belle frégate. Plus près de nous se dessinent plusieurs bâtimens chiliens, qui nous saluent en hissant leurs pavillons. Parmi les passagers dont les ponts sont couverts, nous remarquons plusieurs signoritas et nous entendons leur cri : Muy lindo, muy lindo, pendant que la Poursuivante passe majestueusement le long de leur bord. Hélas ! parmi les cœurs qui palpitent de joie et d’espérance là, devant nous, combien auront cessé de battre, tristes et désillusionnés, avant la fin de l’aventure dans laquelle ils vont s’engager !

Le vent nous manque tout à coup, ce qui nous force à mouiller, avant la nuit, à peu de distance des Farralones, deux îlots détachés qui, semblables au dragon de la fable, montent la garde devant le jardin de ces nouvelles Hespérides. Pendant que nous sommes ainsi arrêtés contre notre gré, le navire roulant péniblement sous la pression d’une forte houle, nous avons tout le loisir nécessaire pour suivre les manœuvres de plusieurs compagnies de baleines qui s’agitent autour de nous. La nature semble avoir voulu que tout eût un caractère particulier en Californie ; aussi ces cétacés diffèrent-ils des autres membres de la grande famille à laquelle ils appartiennent. Ailleurs, on voit des baleines d’une grosseur trois fois plus considérable se laisser harponner