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matérielles et diplomatiques au milieu desquelles notre intervention a dû se débattre. Le corps d’armée espagnol n’est allé faire, à proprement parler, en Italie, qu’une Promenade artistique, et les rapports adressés au ministre de la guerre par le général Cordova mériteraient bien moins les impoétiques honneurs de la Gazette que les honneurs du feuilleton. De là plus d’un discours rentré chez les membres de la minorité progressiste ; mais l’un de ceux-ci, M. Evaristo San-Miguel, n’en a pas voulu avoir le déboire, et il publie en brochure ce qu’il n’a pas osé dire à la tribune du congrès.

En dépit des réticences et des précautions oratoires que lui imposaient les dispositions de son public, M. San-Miguel n’a tenté rien moins qu’une apologie complète de la république mazzinienne, et il a su déployer dans les développemens de ce thème scabreux une modération que nous croyons sincère, mais qui est habile à coup sûr. C’est au nom de l’intérêt catholique qu’il repousse le pouvoir temporel de la papauté. Le souverain pontife, selon lui, est condamné, par la petitesse de ses états, à dépendre politiquement des grandes puissances, et cette dépendance temporelle doit forcément enchaîner, dans certains cas, son omnipotence spirituelle. Donc le pape doit, dans l’intérêt de son influence et de sa liberté d’action, sacrifier son pouvoir temporel. Une chose nous embarrasse : c’est de savoir comment le pape serait moins dépendant chez les autres que chez lui ; c’est de savoir surtout si, dans le cas d’un conflit entre l’Espagne, par exemple, et l’état où le pape, devenu simple prêtre, aurait fait élection de domicile, les catholiques espagnols écouteraient avec plus de déférence qu’à présent une parole qui leur arriverait en même temps et du même lieu que les boulets de l’ennemi. M. San-Miguel objectera peut-être que le pape, comme souverain temporel, peut être entraîné lui-même à faire la guerre ; mais ce n’est là, surtout dans la situation actuelle de l’Europe, qu’un danger très hypothétique, contre lequel le saint-siège est d’ailleurs prémuni par la faiblesse même de son pouvoir temporel, qui lui interdit toute velléité belliqueuse. Est-il bien vrai, en outre, que la faiblesse d’un état ait pour résultat forcé sa dépendance ? L’expérience et la raison prouvent plutôt le contraire. Plus un état est petit, plus il a de chances de rester indépendant et neutre, car les prétentions respectives des grandes puissances s’y surveillent et s’y neutralisent beaucoup mieux.

M. San-Miguel nous paraît également en contradiction avec les faits, quand il déclare le principe catholique incompatible avec certaines formes de gouvernement. Le catholicisme, et c’est là au point de vue humain sa grande force, a au contraire cela de particulier, qu’il sait au besoin s’accommoder de toutes les politiques. Ne l’avons-nous pas vu, de nos jours, passer plusieurs fois du principe d’autorité au principe révolutionnaire, et trouver son compte des deux parts ? On pourrait tout au plus lui reprocher, sous ce rapport, un excès de flexibilité.

Paulò minora canamus ! Et de fait, comment oser parler des tendances intellectuelles de l’Espagne sans dire un mot de ce qui fut jadis sa royauté intellectuelle, de sa littérature de mœurs ? L’Espagne, hélas ! n’a plus de Cervantes ; elle n’a même plus de Larra, et M. Lafuente, le spirituel rédacteur du Fray Gerundio, me paraît avoir vidé le meilleur de son sac. Ce qu’il reste cependant à nos voisins de verve satirique mérite une attention spéciale, car,