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la surprise de février et l’ouragan de juin ; mais, chose rare, il est encore actuel. En ces jours de fièvre, où les esprits les plus fermes, trompés par le miroitement des événemens, hasardaient des appréciations qu’ils voudraient pouvoir désavouer aujourd’hui, M. Galiano a su voir loin et juste. Presque toutes ses prévisions sont devenues des réalités.

Dans cette étude, comme dans la crise qui en est l’objet, la France occupe, bien entendu, le premier rang. D’après M. Galiano, la révolution de février se distingue de toutes les autres par ce double caractère, qu’elle n’était ni légitime ni logique. Le droit a été jusqu’au bout du côté de Louis-Philippe, qui a marché constamment d’accord avec la majorité et n’a pas un seul instant méconnu les principes dont il était la personnification. Que certaines promesses de 1830, concessions faites à l’incertitude du moment, n’aient pas été tenues, c’est possible ; mais ces promesses, outre qu’elles étaient vagues, n’ont jamais été comprises dans le pacte fondamental qui seul pouvait et devait engager le roi. M. Galiano remarque d’ailleurs avec raison que la royauté n’a jamais été accusée de manquer à ses engagemens que par ceux qui ne la reconnaissaient pas, par les républicains de 1830 et de 1848 : le cas échéant, cela ne répondrait-il pas à tout ? Pour être en droit d’invoquer un contrat quelconque, la première condition, ce nous semble, c’est d’y avoir adhéré. La révolution de février, dans la pensée de M. Galiano, n’était pas moins illogique qu’illégitime. Faite dans le but apparent de soulager les misères du peuple, elle devait avoir pour effet nécessaire et immédiat d’aggraver ces misères en tarissant les sources du travail. On sait quelle terrible confirmation a reçue bientôt cette prophétie.

Mais, justes ou iniques, logiques ou absurdes, toutes les révolutions dont février a été le signal se confondent dans cette triste communauté, qu’elles sont mauvaises. M. Galiano n’en veut pour preuve que l’intimité spontanée qui s’établit, dès le début, entre l’insurrection de Paris, qui vient de tuer le système constitutionnel, et les insurrections italiennes et allemandes, accomplies au nom de ce système. Ces insurrections comprenaient instinctivement leur solidarité. Malgré l’apparente diversité du but, elles n’étaient que les différentes étapes du chemin qui conduit à la destruction universelle, et ici encore les orgies démagogiques de Vienne, de Francfort, de Florence, de Rome, sont bientôt venues faire écho aux prédictions de l’homme d’état espagnol. Un autre genre de solidarité unissait les révolutions française, allemande et italienne quelles que fussent leurs vicissitudes, toutes étaient condamnées à procéder par la compression. Il n’y a pas, en effet, de transaction possible dans cette question de vie ou de mort qui s’agite pour la société. Quel que soit l’élément qui l’emporte, l’instinct de conservation le rendra intolérant envers l’élément opposé. Et, en effet, depuis bientôt deux ans qu’elle a commencé son travail de Pénélope, la révolution n’a pas pu sortir de ce dilemme : la dictature d’en bas ou la dictature d’en haut. Entre ces deux dictatures, les chances de durée ne sont pas heureusement pour la première. Les démagogues, condamnés qu’ils sont à surexciter ces souffrances populaires dont ils se proclament les médecins, seront tôt ou tard abandonnés par les masses, qui accepteront la tutelle d’un pouvoir sérieux. Avec moins de promesses à remplir, celui-ci aura une responsabilité plus forte et plus saisissable, car elle sera moins divisée. De là deux garanties de stabilité : moins d’impatience chez les masses, plus de sollicitude