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REVUE. — CHRONIQUE.

donc tournés vers l’Autriche, et s’il y a quelque agitation dans l’un ou dans l’autre de ces deux états, ce sera fort probablement l’Autriche qui y fera la police.

La confiance que l’Autriche inspire fait la force de la commission fédérale. Cette commission, en effet, procède plutôt de l’Autriche que de la Prusse, et voici pourquoi : la Prusse est à la fois représentée dans la commission fédérale et dans le parlement d’Erfurth ; elle a une politique à deux têtes ; elle est à cheval sur deux principes. Cette politique à double but peut avoir son avantage pour la Prusse, mais elle n’est pas favorable à l’avènement du parlement d’Erfurth. Ce parlement, en effet, ne reçoit de la Prusse qu’une demi-force, puisqu’une autre moitié de l’autorité et de l’ascendant moral de la Prusse est engagée dans la commission fédérale de Francfort. Pour que le parlement d’Erfurth eût bonne chance, il faudrait que la Prusse fût décidée à prendre en main la cause populaire ou démocratique en Allemagne, qu’elle se fît hardiment l’héritière du parlement de 1848 ; il faudrait enfin que le roi de Prusse jouât en Allemagne le rôle que Charles-Albert a voulu jouer en Italie, rôle ingrat et dangereux où l’on s’expose à faire la guerre contre ses vrais amis au profit de ses vrais ennemis, et où la meilleure chance est d’être battu et de mourir héroïquement, comme l’a fait Charles-Albert.



LE MOUVEMENT INTELLECTUEL EN ESPAGNE.

Courtes Réflexions sur la crise que traversent les gouvernemens et les peuples d’Europe, par M. Alcala Galiano. — Histoire de Grenade, par D. Miguel Lafuente Alcantara. — Histoire de la Législation espagnole, par D. José-Maria Antequera. — Études sur les Finances et l’administration d’Espagne, par D. Fremin G. Monon. — La Question romaine, par D. Evaristo San-Miguel. — Les Mansardes de Madrid, par D.-L. Corsini.


L’Espagne est dédommagée de ses longues épreuves ; au moment même où la France, l’Italie, l’Allemagne s’ébranlaient au tocsin des insurrections, sonnait pour elle l’heure des travaux calmes et recueillis de la pensée. De son douloureux passé de trente ans, il ne lui reste guère plus que ce surcroît d’activité intellectuelle dont chaque grande crise est suivie de près ou de loin, et ces enseignemens sociaux qui germent si nombreux sur tout sol engraissé de sang et de débris : jeunesse et maturité à la fois. La Revue se propose de suivre pas à pas, dans leurs manifestations écrites, les résultats de cette pénible initiation, qui a fait parcourir à l’Espagne, tant politique que littéraire, le cercle entier des expériences. Une double anarchie était venue, en effet, peser sur la Péninsule. En littérature, la tradition léguée par les grands maîtres du XVIe siècle s’y débattait tour à tour contre notre école classique et notre école romantique, importées presque simultanément par de prétendus novateurs. Même chaos dans la politique, où alternaient l’imitation anglaise et l’imitation française, se repoussant l’une l’autre et repoussées toutes deux par les nécessités nationales. Laissée sans direction dans ce vaste champ d’incertitudes où toutes les per-