chimère, surtout en Italie. — Oui, tout cela serait beau, disaient les railleurs de droite, si c’était possible. — Ne voyez-vous pas combien tout cela est mesquin ? disaient de leur côté les docteurs de la démagogie ; laissez là votre type de la monarchie constitutionnelle et venez à la république. Voilà ce qu’on disait des deux côtés aux partisans du libéralisme en Italie. Les événemens semblaient venir en aide aux adversaires de la cause libérale. Nulle part la liberté n’avait pu s’établir en Italie. Elle avait, dès le premier choc, succombé aux coups de la démagogie, qui elle-même n’avait pas tardé à succomber sous les coups du despotisme ; nulle part, un parti libéral n’avait pu se former, et quand, avec nos idées françaises, nous demandions pour Naples, pour Rome et pour Florence des institutions libérales, on nous disait que ces institutions n’avaient personne pour les comprendre, pour les pratiquer, pour les soutenir. Il y a deux choses que le Nord veut transporter en Italie, et qui n’y vont pas, disait un jour devant nous un homme d’un esprit familier et moqueur : ce sont les constitutions représentatives et les cheminées. Ces gens-là ne sont pas habitués à se chauffer : ils brûlent dans la canicule, et ils gèlent quand, par hasard, il fait froid l’hiver ; mais ils ne savent pas se chauffer. Aussi n’y a-t-il pas en Italie une seule cheminée qui ne fume, et, quant aux constitutions représentatives, ils ne savent pas non plus les faire aller. — Et, comme pour réclamer contre ce grave arrêt, nous disions, en ce qui concerne les cheminées seulement, que la plupart des fumistes de Paris étaient des Italiens. — Des Piémontais ! reprit vivement l’interlocuteur, des Piémontais ! Aussi est-il possible, continua-t-il, qu’une constitution représentative puisse aller à Turin, mais c’est difficile.
Oui, en vérité, et pour parler sérieusement, oui, c’était difficile, quand la démagogie, non contente d’avoir mis le pays à deux doigts de sa perte à la bataille de Novarre, continuait encore son détestable métier et cherchait à rendre impossible le gouvernement parlementaire. On aurait dit que la chambre des députés du Piémont avait pris à tâche de pousser le roi à un coup d’état, afin qu’il fût prouvé une fois de plus que la pauvre Italie n’avait à choisir qu’entre le despotisme et la démagogie. C’est entre ces deux écueils que le gouvernement piémontais a résolûment cherché un passage, et il l’a trouvé. Le ministère de M. d’Azeglio a lutté pendant plusieurs mois, avec une patience héroïque, contre la mauvaise volonté de la chambre ; il voulait convaincre le pays avant de le consulter ; il a donc laissé à la démagogie le temps et la faculté de développer ses mauvais desseins, et, une fois que ces mauvais desseins ont été visibles pour tout le monde, alors, sans hésiter, et avec une fermeté digne de la patience même qu’il avait montrée, le roi a dissous la chambre ; il en a appelé aux électeurs, et les électeurs, sortant de leur indifférence à la voix de leur roi, ont répondu à l’appel qui leur était fait. Ils ont rejeté la chambre démagogique ; ils ont nommé une chambre conservatrice, et dès ce moment le bien est redevenu possible, sinon facile, car il ne l’est jamais. Dès ce moment, la constitution et le parlement sont devenus des instrumens de salut, au lieu d’être des entraves. Dès ce moment aussi, une grande question a été résolue : c’est qu’il peut y avoir en Italie un gouvernement libéral.
Un écrivain spirituel et éloquent, mais qui est disposé à désespérer vite parce qu’il est jeune, comparait dernièrement l’Italie à l’Irlande : triste augure que nous repoussons de tous nos vœux, Oui, il y a au cœur des Italiens bien des