Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jusqu’à l’excès la passion de l’isolement, et ce refus de toute communauté, cette antipathie instinctive contre tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à l’atelier national de M. Louis Blanc, sont devenus une des difficultés de la colonisation.

Nous devons, en finissant cette indication des travaux de l’assemblée pendant la dernière quinzaine, mentionner brièvement deux questions qui ont occupé quelques séances : nous voulons parler de la question de la Plata et de la question du tombeau de l’empereur.

Nous avons fait jusqu’ici tout notre possible pour prendre à la question de la Plata le genre d’affection qu’y veut prendre la commission dont M. Daru est le rapporteur, et jusqu’ici nous n’avons pas réussi à nous intéresser à cette vieille et mauvaise querelle. Nous avons lu bien des brochures contre le traité de l’amiral Le Prédour, et, parmi ces brochures, une, entre autres, fort bien faite par M. Edmond Blanc, ancien député ; mais, malgré tout ce qu’on peut dire contre le traité Le Prédour, ce traité garde toujours à nos yeux un grand et suprême mérite : c’est un dénoûment et une fin. Voilà, soyez-en sûr, ce qui fait sa force. Dans une question qui exciterait vivement l’attention du pays, ce dénoûment tel quel ne plairait pas ; mais, dans la question de la Plata, avec l’indifférence générale, tout ce qui finit l’affaire, sans même la finir très bien, doit réussir. Ce qui nous confirme dans cette idée, c’est l’irrésolution où nous voyons que vient de tomber de nouveau l’assemblée, et l’amendement qu’elle a adopté comme pour avoir l’air de décider quelque chose, sans rien décider au fond. Qu’est-ce en effet que cette proposition de négocier encore ? Et pour appuyer les négociations, on accorde 10 millions. Pour négocier, c’est beaucoup que 10 millions, et pour guerroyer, c’est bien peu. L’assemblée n’a pas pu se résoudre à approuver purement et simplement le traité Le Prédour, et elle se remet de gaieté de cœur sur la pente de la négociation ou de la guerre, sans trop savoir de quel côté elle doit pencher. Bizarre décision, qui n’est qu’un témoignage d’incertitude, et qui plaide éloquemment pour le traité Le Prédour, qui finissait tout, tandis que la décision de l’assemblée semble avoir l’air de tout recommencer.

Quant à l’autre question, celle du tombeau de Napoléon, il n’y a jusqu’ici qu’un rapport fait pas M. de Luynes sur un projet de loi retiré par le gouvernement. Ce rapport n’est pas accompagné des pièces qu’il indique ; il est donc sévère sans être encore convaincant. Nous souhaitons qu’une commission de l’assemblée, nommée avec l’importance qui s’attache à un pareil sujet, vienne discuter cette affaire et fasse la part de tout le monde. Nous ne dirons qu’un mot seulement. Les crédits ont été excédés, et c’est M. Duchâtel qui était ministre pendant que les crédits étaient ainsi dépassés ; mais cela ne rend pas l’irrégularité plus grande à nos yeux, car nous ne savons rien de pis que de mêler les passions aux chiffres. Quant à l’idée, dont quelques personnes se frottent les mains, que M. Duchâtel est d’autant plus responsable qu’il est riche, dit-on, c’est une idée qui eût à peine été de mise pendant les trois premiers mois de la révolution de février.

Il y avait long-temps, depuis deux ans, que nous n’avions eu une satisfaction aussi vive que celle que nous avons ressentie en apprenant le résultat des élections piémontaises. Le libéralisme semblait en train de devenir une pure