cette diversité de situations doivent attirer l’attention du gouvernement et la vigilance de l’administration. À Montpellier, un sergent de ville est lâchement assassiné par les chanteurs de la démagogie. À Céret, il était resté un débris des proconsuls du gouvernement provisoire, un sous-préfet qui croyait encore à la résurrection possible de 1848. L’administration supérieure l’a révoqué. Là-dessus, protestations, c’est-à-dire cris, rassemblemens et quasi-émeute de la démagogie, qui ne veut pas croire à sa défaite. Ailleurs, le maire s’est fait le pacha de la commune, et ce pacha a aboli de son autorité privée l’exercice du culte catholique : il y a des endroits où un petit directoire gouverne le village comme les triumvirs gouvernaient Rome ; les avanies remplacent les proscriptions. Dans ces communes bienheureuses, on attend avec impatience l’avènement d’un nouveau 24 février à Paris, et en attendant, on conserve les traditions de l’ancien. C’est là que le 13 juin était su d’avance, et que les autorités, intimidées ou complices, n’osaient pas ou ne voulaient pas répéter les paroles du télégraphe, qui annonçait la défaite de la démagogie.
Si nous citons tous ces faits isolés, quoique nous en omettions quelques-uns qui sont tristement significatifs, ce n’est pas que nous voulions effrayer le pays : nous voulons seulement lui montrer que les adversaires de l’ordre social sont partout répandus et partout disposés à dresser leurs embuscades. Nous avons vaincu le corps d’armée, mais nous avons affaire aux guérillas. Nous sommes maîtres, si nous savons rester unis, des grandes villes et des centres principaux ; mais la démagogie a encore je ne sais combien de petits champs d’asile d’où ses bandes sont prêtes à s’élancer sur le pays.
Veut-on un exemple de cette puissance de la démagogie dans les petits centres de population ? voyez ce qui s’est passé dans le barreau de Paris et dans les barreaux de province. À Paris, le conseil de discipline de l’ordre des avocats n’a pas hésité à citer à sa barre les défenseurs qui, devant la haute cour de Versailles, avaient proclamé le droit de l’insurrection, et qui s’étaient prétendus opprimés, parce qu’il ne leur était pas permis d’être factieux. M. Crémieux lui-même, le ministre de la justice de février et le membre du gouvernement provisoire, un ancien dictateur, a été réprimandé comme un simple stagiaire par le conseil de discipline. Les avocats des barreaux de province, M. Michel de Bourges, le promoteur de la théorie de l’insurrection permanente, M. Thouret de Toulon, n’ont été ni réprimandés ni avertis par les conseils de discipline de leurs barreaux. Cela veut dire qu’il n’y a plus de grands seigneurs de février qu’en province et dans les petites villes. La démagogie a fui du centre vers les extrémités, mais elle est toujours prête à raccourir des extrémités vers le centre, si nous ne faisons pas bonne garde au centre, et si nous n’employons pas toutes les forces de l’administration et de la justice à la chasser des postes qu’elle conserve encore.
C’est là l’action que nous demandons au gouvernement. Le message du 31 octobre a promis des actions plutôt que des paroles. Les actes décisifs et éclatans sont difficiles, quelque bonne volonté qu’on ait d’en faire. Que reste-t-il donc ? L’action quotidienne de l’administration, la lutte assidue et vigilante. Sous ce rapport, nous n’avons pas entendu dire que le ministère du 31 octobre se soit encore trouvé en défaut. Les circulaires des divers ministres ont montré l’allure qu’ils voulaient que prît partout l’administration. Les me-