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SACS ET PARCHEMINS.

DERNIÈRE PARTIE.[1]


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XIX.

Le retour de nos personnages au château de La Rochelandier fut gai comme un convoi funèbre. N’était-ce pas en effet le convoi funèbre de leur orgueil, de leur vanité et de leur ambition ? Plus de cour ni de pairie, plus de titres ni de millions, sacs vides, parchemins sans valeur ; ils s’étaient joués mutuellement, tous quatre avaient fait un marché de dupe. Quel voyage, grand Dieu, sur cette même route qui les avait vus, quelques mois auparavant, triomphans, ivres de joie et se prélassant sur les coussins moelleux d’une chaise de poste ! Blottis chacun dans un coin de l’intérieur de la diligence, ils se taisaient, et n’avaient pas même, pour se consoler ou se distraire, la ressource des récriminations : la révolution de février les renvoyait, comme on dit, dos à dos. Gaston et Laure n’osaient lever les yeux l’un sur l’autre. Roulée dans son manteau, enveloppée de fourrures, les mains dans son manchon, la marquise douairière, honteuse comme une fouine qu’un mulot aurait pris, s’abîmait dans ses réflexions, qui n’étaient pas couleur de rose. Il y avait des instans où elle se croyait le jouet d’un abominable cauchemar ; mais la présence de M. Levrault, assis vis-à-vis

  1. Voyez les livraisons des 1er , 15 septembre des 1er, 15 octobre, des 1er , 15 décembre.