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côtés : les cris de guerre civile qui retentissent au sud, les revues des milices auxquelles les gouverneurs recommandent de bien soigner leurs armes parce qu’elles auront à s’en servir, les délibérations des législatures du sud qui préparent les bases d’une organisation séparée ; de l’autre côté, la froide obstination du nord, dont la population, dont les hommes les plus influens et les plus éclairés eux-mêmes semblent se complaire dans d’incessantes provocations, et dont les législatures, l’une après l’autre, imposent aux députés le vote d’une mesure que tous savent être un brandon de guerre civile ? Aussi un journal de New-York, après avoir énuméré les sujets de querelle qui attendaient l’ouverture du congrès pour se faire jour, demandait, sans oser répondre à sa propre question, ce qui pouvait sortir d’une semblable situation, et s’écriait : « Le présent est bien triste, et l’avenir est plus menaçant encore. »


III

Est-il vrai que l’heure des grands périls ait déjà sonné pour l’Union américaine, et que cette prospérité ininterrompue dont elle offre depuis soixante ans le spectacle unique soit arrivée à son terme ? C’est ce qu’on a peine à croire, quand on sait tout ce qu’il y a d’énergie, de vitalité et de bon sens pratique dans le peuple américain. Essayons de résoudre pour notre part les questions que s’adressent, sans oser y répondre, ceux des journaux américains qui n’ont point encore pris parti dans la lutte, et cherchons à deviner ce qui va sortir des délibérations du nouveau congrès.

Nous venons d’esquisser la situation des partis, et elle n’est rien moins que rassurante. Les députés du nord et du sud sont arrivés à Washington dans les dispositions les plus hostiles, et ce qu’on sait de leurs projets tend à faire croire toute conciliation impossible. On pouvait espérer qu’en gagnant du temps, la réflexion agirait sur les uns ou sur les autres, et que l’intervention des hommes les plus sages calmerait des deux côtés les esprits les plus aigris. Les représentans du sud ont annoncé au contraire l’intention de brusquer le dénoûment. Ils veulent aller au-devant de l’attaque, malgré la supériorité numérique des représentans du nord, ils veulent que la question de l’esclavage soit immédiatement posée et résolue ; mais le lendemain du vote hostile qu’ils prévoient, sénateurs et représentans donneront en même temps leur démission et quitteront Washington. Comme le congrès ne sera plus en nombre pour délibérer, ses opérations seront interrompues ; le budget ne pourra être voté, toutes les affaires demeureront en suspens. Les élections auxquelles il faudra procéder fourniront peut-être au peuple un moyen de manifester sa volonté, et les états du sud