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Notre histoire compte deux époques principales. Dans la première, qui s’étend de la conquête au règne de Hugues Capet, tous les efforts sont vains pour retenir ensemble ou relier l’une à l’autre les différentes portions du pays ; la résistance est générale, elle est dans le s lois, les hommes et les choses. Dans la seconde, qui des Capétiens se continue jusqu’à nous, le spectacle contraire s’offre aux regards, sauf de rares interruptions. Chaque pas qu’on fait est un pas vers l’unité : unité de sol, unité de pouvoir, unité de condition pour les personnes. Or, à ce mouvement vers l’isolement local ou vers la concentration et l’homogénéité politiques, correspond de près et en sens, opposé le mouvement qui porte les individus tantôt à s’associer étroitement, tantôt à relâcher de plus en plus les liens qui les unissent. Le livre de M. Béchard est, sous certains rapports et dans une certaine mesure, une protestation contre l’impulsion double, qui avec l’aide du temps, a fait de la France un pays d’indépendance individuelle et de forte unité nationale.

Ceci nous conduit à dire un mot des publicistes qui, dans le passé et dans des momens également critiques pour la liberté, soutinrent des opinions dont la trace et l’influence se retrouvent vivantes presque à chaque page du livre de M. Béchard. Au XVIIe siecle, un monarque, superbe, dont la pensée est admirablement résumée dans des paroles célèbres, écrivait que les biens de leurs sujets, tant ecclésiastiques que laïques, étaient à la disposition des rois pour en user comme de bons et sages économes, et, conformant ses actes à sa Maxime, il supprimait les états particuliers des provinces du domaine ; soumettant les autres à la tutelle royale, il portait le dernier coup à l’indépendance des communes en s’emparant de l’élection de leurs officiers et en intervenant dans leurs affaires. À ces empiétemens du pouvoir despotique, des plaintes s’élevèrent des degrés même du trône ; et des plans réparateurs furent conçus, préparés dans l’ombre. Un prélat illustre, ancien précepteur et conseiller intime du prince héritier de la couronne, un duc et pair chaudement épris de l’orgueil de ses titres, Saint-Simon et Fénelon, nous en ont transmis le témoignage et les détails. Les mêmes efforts reparaissent sous la convention, et la gironde républicaine caresse, sous une forme cette fois démocratique, les plans décentralisateurs des grands seigneurs de la cour de Louis XIV. Issus également d’une pensée libérale, les projets anciens que nous rappelons et le projet nouveau de l’écrivain légitimiste diffèrent en des points essentiels. Les élections ne doivent, selon Fénelon, porter que sur des personnages de choix ; Brissot appelle au vote tous les citoyens à la fois, électeurs et éligibles. M. Béchard se borne à souhaiter que la vertu, les lumières, l’illustration du sang, obtiennent du suffrage libre l’honneur des services gratuits, mais il veut que le droit de commune soit la source du droit de vote, et que ce droit soit réglementé et soumis, quant à son obtention, à des conditions de résidence ; de moralité, de travail. Il désire ; en outre, que le vote par circonscriptions électorales ait lieu dans les grandes villes par professions et non par quartier, afin que chaque intérêt légitime puisse se faire jour et obtenir une représentation proportionnée à son importance. Il est d’autres différences capitales entre les plans dont nous parlons. L’archevêque de Cambrai ne s’occupe point de la commune : toute sa sollicitude est tourné vers l’établissement d’assemblées de diocèses chargées de l’assise et de la levée des impôts, d’états provinciaux ayant pouvoir de policer, corriger et mesurer les impôts sur la richesse naturelle du pays et destiner les fonds,