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deux siècles ; nous les engageons à étudier l’historique des manœuvres par lesquelles on voit la diplomatie prussienne se signaler sur ce terrain. Rien qui rappelle mieux la politique ultra-machiavélique de l’auteur de l’Anti-Machivavel. Sans remonter dans le passé au-delà du dernier armistice conclu en juillet 1849 ; nous voulons dire un mot des ruses à l’aide desquelles la Prusse en a éludé les principales stipulations, d’une probité patiente et scrupuleuse. Aux termes de l’armistice, en attendant la paix, la partie méridionale du Schleswig doit être occupée par un corps prustien de six mille hommes, le nord par un corps suédois, et l’île d’Als, située sur les flancs du duché, par une garnison danoise. En outre, le gouvernement du pays est confié à un comité d’administration composé de deux membres choisis l’un par le roi de Prusse, l’autre par le roi de Danemark, et d’un commissaire anglais chargé du rôle d’arbitre en cas de différends. Les troupes d’occupation sont à la disposition du comité administratif pour le maintien de l’ordre légal. Tel est l’esprit de l’armistice.

Le Danemark a mis autant de promptitude que de scrupule à exécuter pour sa part les conditions du traité ; mais le parti rebelle du Schleswig-Holstein a continué de trouver un appui dans la Prusse pour les menées les plus déloyales. Le Danemark réclamait naturellement la destitution des fonctionnaires nommés par la révolte victorieuse et la réintégration de ceux qu’elle avait éloignés. La Prusse a défendu et fait prévaloir l’état de choses créé par l’insurrection. En plusieurs endroits, le comité ayant cru indispensable de congédier quelques employés de cette origine révolutionnaire qui lui refusaient obéissance, ceux-ci résistèrent avec l’appui des agens de perturbation, et les troupes prussiennes assistèrent à ces désordres, sans rien entreprendre pour les réprimer. On ne tarda pas à connaître que les instructions secrètes des Prussiens étaient de n’user de leur force que s’ils se voyaient eux-mêmes insultés par la population et de ne prêter qu’une assistance nominale au comité d’administration. Dans la ville même de Schleswig, résidence du général commandant des troupes prussiennes, des fonctionnaires envoyés en mission par le comité administratif ont été insultés dans les rues, poursuivis à coups de pierres jusque dans leurs maisons, obligés de fuir, au péril de leur vie, sans recevoir aucune assistance de la force publique.

Avec la volonté la plus droite, le comité administratif échoue dans le midi du Schleswig contre cette opposition systématique, tantôt sourde et tantôt patente, fomentée par les rebelles du parti germanique et tolérée par les troupes prussiennes. On sait que le Holstein a conservé son gouvernement insurrectionnel. Continent use-t-il de son pouvoir ? Il envoie dans le Schleswig des émissaires et de l’argent pour entretenir l’esprit révolutionnaire et alimenter la résistance. Il y fait lever secrètement les impôts, que l’on refuse ensuite aux autorités légales. D’ailleurs, ce gouvernement ne recule devant l’emploi d’aucun moyen pour donner à croire que le Schleswig supporte avec peine l’autorité du comité administratif. La Prusse seconde ces manœuvres ; le roi et les ministres reçoivent des députations du Schleswig-Holstein ; ils affectent de compatir aux malheurs de ces populations que l’on aime à dire tyrannisées par le gouvernement danois. Enfin ; les troupes rebelles du Holstein sont encore aujourd’hui commandées par un général prussien, qui sert ainsi de lien entre la Prusse et la rébellion.