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par la Prusse que de l’être par la démagogie. Le joug devait être moins dur. Cependant, à mesure que la peur de la démagogie diminuait, la peur ou la jalousie de la Prusse devenait plus grande dans l’ame des rois de Saxe et de Hanovre, si bien qu’ils ne cherchaient qu’une occasion, après s’être délivrés de la démagogie à l’aide de la Prusse, de se délivrer de la Prusse elle-même : L’occasion est venue. L’Autriche, libre des embarras que lui donnaient la Hongrie et l’Italie a commencé à reparaître en Allemagne, et les petits états allemands, qui s’affligeaient de n’avoir plus à choisir qu’entre la Prusse et la démagogie, ont pu espérer de trouver dans l’Autriche un protecteur désintéressé. Alors s’est faite, sous les auspices de l’Autriche, l’alliance de la Bavière, du Wurtemberg et de la Saxe, qui s’est retirée de l’alliance prussienne. Cette triple alliance représente l’Allemagne méridionale toujours opposée à l’Allemagne du nord. Et comme ce qui faisait auprès des Allemands la popularité de la Prusse, c’était ce parlement d’Erfurth que la Prusse avait suscité pour représenter l’unité de l’Allemagne, idée toujours chère à l’Allemagne, et qui finira par trouver son expression le jour où elle trouvera les limites dans lesquelles elle doit se renfermer, la ligue méridionale n’a pas manqué, dans son projet de constitution germanique, de susciter aussi un parlement de Francfort. De ces deux parlemens qui veulent représenter l’unité germanique, celui d’Erfurth et celui de Francfort, celui du nord et celui du midi, quel est celui qui prévaudra ? Nous ne savons. Quoi qu’il en soit, nous aimons à constater qu’en Allemagne l’idée d’un parlement germanique n’est pas une idée abolie et éteinte, nous aimons à constater cela, parce que partout, et en Allemagne surtout, nous aimons à voir le libéralisme triompher de ses deux ennemis acharnés, le despotisme et la démagogie ; mais, pour que le libéralisme triomphe, il faut qu’il sache nettement ce qu’il veut, assez et pas trop. Sous ce rapport, les attributions que la ligue méridionale fait au parlement de Francfort nous paraissent sagement réglées.

Le parlement d’Erfurth doit s’assembler le 20 mars ; déjà, plusieurs fois, on a dit que l’ouverture en serait retardée. Quant à nous, nous offrons de parier pour une première, séance ; nous ne parions pas pour la seconde. Le point important est de savoir si ce sera un parlement tout prussien, ou si ce sera un parlement allemand. Si c’est un parlement prussien, comme il y en a déjà un à Berlin, nous ne voyons pas à quoi servirait le parlement d’Erfurth. Serait-ce l’instrument de l’agrandissement de la Prusse ? Serait-ce une chambre de réunion comme celle que Louis XIV avait instituée à Metz ? Mais, derrière la chambre de réunion, il y avait une armée : derrière le parlement d’Erfurth, y a-t-il une armée ? Alors c’est quelque chose ; mais, derrière le parlement de Francfort, il y aura alors aussi une armée : ce sera une armée autrichienne. Seulement il est bon que les deux parlemens, celui d’Erfurth et celui de Francfort, sachent bien que, si les armées qui sont derrière eux entrent en ligne, ce seront les deux parlemens qui, le lendemain de la victoire et quel que soit le vainqueur, resteront sur le champ de bataille.

L’incertitude continue de régner dans les affaires du Danemark, et il se pourrait que la paix fût encore assez éloignée, tant la Prusse apporte ostensiblement de mauvais vouloir dans les négociations. Il est des esprits portés à l’optimisme, qui aiment à croire à un progrès accompli dans les rapports des peuples depuis