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systématiques de la liberté du sol. S’ils ne sont que trois dans le sénat, ils sont vingt-trois dans la chambre des représentans, et cette minorité, décidée à subordonner toutes les questions à celle de l’esclavage, tient entre ses mains la balance du pouvoir. Le parti whig et le parti démocratique ont exactement le même nombre de voix ; tout dépend donc chaque fois de la décision des free-soilers. Ils se sont plu à constater leur pouvoir dès l’ouverture du congrès, et, en s’obstinant à perdre leurs voix, ils ont rendu impossibles, pendant trente et un scrutins, la nomination du président de la chambre et la constitution du congrès.

L’agitation a pris au sud, pendant tout l’été de cette année, les proportions les plus menaçantes pour la tranquillité publique. Chaque nouvelle venue du nord était un outrage ou une menace ; les conventions tenues dans les états, les délibérations des législatures, les discours des orateurs en renom, les manifestations des hommes influens, cette apparente unanimité d’une moitié de l’union à attaquer l’autre jusque dans ses derniers retranchemens, ajoutaient à la colère et à l’animosité des hommes du sud. C’était une huile perpétuellement jetée sur le feu. Des cris de rupture de l’union et de guerre civile n’ont pas tardé à se faire entendre. Les orateurs et les écrivains du sud n’ont rien négligé pour organiser une action commune, et toutes les divisions de partis se sont effacées. La législature du Mississipi a été unanime pour recommander la résistance, et whigs et démocrates se sont déclarés également prêts à recourir au besoin à la force des armes. Si l’on prend les messages adressés par les gouverneurs des états aux législatures, on retrouve dans tous, et presque dans les mêmes termes, les mêmes recommandations. Ajoutons que toutes les législatures leur font un favorable accueil, et transforment en lois les propositions des gouverneurs. L’union doit être regardée comme rompue par le seul fait de l’abolition de l’esclavage dans le district fédéral, ou de l’adoption du proviso de Wilmot ; les représentans des états du sud doivent cesser incontinent de prendre part aux travaux du congrès ; des conventions particulières doivent être convoquées dans chaque état, ainsi qu’une convention générale des états du sud, pour aviser, pour obtenir, même par la force, la dissolution d’un contrat qu’on fait servir à l’oppression d’une moitié du peuple américain. Telle est en substance la résolution à peu près uniforme qu’ont adoptée tous les états du sud. Le seul état qui eût donné quelque inquiétude aux défenseurs de l’esclavage à cause des progrès que l’abolitionisme y a faits, le Kentucky, s’est prononcé sur cette question de la façon la plus rassurante pour eux, et l’important état de Virginie avait été le premier à donner l’exemple.

Les hommes du sud ont voulu constater que les dissidences de partis disparaissaient pour eux quand la question de l’esclavage était soulevée,