sans entrer et séjourner même dans les régions du mysticisme. Un historien éminent de là philosophie l’a fait observer, c’est la marche ordinaire de la penses humaine, et à bien plus forte raison en doit-il être ainsi dans un pays où la pensée semble instinctivement portée à suivre ces voies de la religiosité rêveuse.
Ces doctrines, disons-nous, ont pénétré jusque dans le peuple des campagnes, et, pour en fournir de curieuses preuves, nous n’aurons besoin que de signaler les sectes nombreuses qui se développent à côté de l’église en dépit des rigueurs du pouvoir. Joseph de Maistre, qui avait eu le loisir de faire une étude approfondie de l’église russe, osait la comparer à un cadavre sur lequel pulluleraient des milliers d’êtres immondes nés de sa décomposition. Un voyageur d’un esprit aussi calme que distingué, qui d’ailleurs ne parle de la Russie qu’avec le respect dû à un grand peuple, M. le baron de Haxthausen, est entré en rapports avec les chefs de quelques-unes de ces sectes. Il n’en a point fixé le nombre ; mais il a entendu dire pelles peuvent s’élever au chiffre de deux cents. Nous ne parlerons point de celle des morelstschiki (lesquels s’immolent partiellement ou en entier ), ni de celle des shaptzi,(origénistes ou eunuques), dans laquelle les hommes mariés subissent la mutilation aussitôt après la naissance de leur premier enfant mâle. Bien que cette dernière soit très nombreuse dans Saint-Pétersbourg parmi les marchands et très puissante par l’accumulation des fortunes qui ne sont point exposées au partage, elle n’est, pas plus que la première, de celles que le czarisme doive beaucoup redouter. M. de Haxthausen a insisté principalement sur les sectes qui sont sorties directement de l’église grecque sans trop de mélange de paganisme. L’une des plus importantes et des plus nombreuses est celle des starowers ou vieux croyans. Les starowers se font remarquer, non point par un amour trop vif du progrès, mais, suivant M. de Haxthausen, par un attachement servile à la tradition, par un penchant exclusif et fanatique pour l’ancienne organisation de l’église qu’ils voudraient conserver ou rétablir dans sa pureté primitive. Les starowers, dit-il encore, exercent sur la Russie et son gouvernement une influence morale tout-à-fait mystérieuse. À chaque innovation religieuse, à la mesure la plus insignifiante de politique intérieure, à chaque projet d’amélioration ou au moindre changement, on ne manque jamais des se demander : Qu’en diront les starowers ? — Le starower ne s’en prend pas seulement à ce qu’il peut y avoir d’élémens germains dans le pouvoir, mais aussi aux habitudes et aux modes mêmes peu nationales de la cour ; et, pour rendre à cet égard- la pensée des starowers, on raconte par manière d’anecdote le refus fait par un soldat de cette secte de prêter serment à l’empereur, par cette raison qu’il porte un uniforme, un chapeau à trois cornes et une épée au côté, comme les autres soldats.