il existe dans la nature une matière primitive commune aux animaux et aux végétaux. Cette matière est composée de particules organiques vivantes, incorruptibles et toujours actives. Ces particules universellement répandues servent à la nutrition et l’accroissement ; le surplus de ce qui est nécessaire pour atteindre ce résultat est envoyé de toutes les parties du corps dans certains organes spécialement destinés à servir de magasin. Quand ces molécules sont déposées dans un lieu convenable, il se fait une sorte de triage. Toutes celles qui viennent soit du pied, soit de la main, s’attirent réciproquement et s’agrégent en conservant l’ordre qu’elles occupaient auparavant. Par conséquent, elles reproduisent en petit le moule intérieur dont elles faisaient partie. On voit que dans cette hypothèse le nouvel être ne peut se former qu’à l’aide de matériaux fournis immédiatement par chacun des organes du parent, et que par conséquent un père et une mère manchots ne pourraient pas avoir d’enfans possédant leurs deux bras. Cette objection que le bon sens indique n’a pas empêché les idées de Buffon d’être adoptées ou reproduites de nos jours encore avec quelques modifications par deux hommes éminens. Oken, entre autres, le patriarche des philosophes de la nature, admet un mucilage primitif[1] fort semblable. à la matière primitive du naturaliste français, et assigne aux infusoires un rôle à peu près identique à celui des molécules organiques. Pour lui, tous les êtres vivans ne sont que des agrégats de monades enchaînées les unes aux autres par un archétype qui donne ou imprime la forme, et si celles-ci semblent naître dans les infusions animales ou végétales, c’est qu’elles sont remises en liberté.
Dans la doctrine de l’épigénèse, presque universellement admise aujourd’hui, les premiers rudimens de l’être vivant se forment de toutes pièces, et l’organisme se complète par des additions successives. Hippocrate, ce génie si juste et si droit, a déjà résumé clairement cet ensemble d’idées ; lorsque, parlant de la formation de l’homme, il compare le foetus à un arbre, et les membres ou les viscères à des branches, à des rameaux qui viennent successivement s’ajouter à la tige. Dans cette doctrine, chaque naissance est en quelque, sorte une création, chaque individu nouveau est vraiment un produit de l’individu qui l’engendre. Mais lequel des deux du père ou de la mère est le véritable parent ? Le vulgaire a-t-il raison de croire que le poulet a son origine dans le sein de la poule, la datte dans la fleur du dattier femelle[2] ? Bon nombre de naturalistes, égarés par l’esprit de système ou par des observations imparfaites, ont répondu : Non. À les en croire, le mâle est seul chargé de la préparation du germe Le futur embryon,