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et l’incompréhensible se rencontrent à chaque instant dans la plupart de ces rêveries, dont le plus petit nombre méritent à peine le nom d’hypothèse ou de système. Pour donner une idée générale des conceptions de l’esprit humain sur ce point, nous ramènerons à trois doctrines fondamentales ce qu’ont écrit les hommes les plus justement célèbres, ceux qui ont au moins cherché à mettre d’accord leurs théories et la science du temps. Nous distinguerons la doctrine de l’évolution, celle de l’accolement, celle de l’épigénèse.

D’après le système de l’évolution, les germes sont aussi anciens que le monde lui-même ; en d’autres termes, Dieu, en formant l’univers, a créé à la fois tous les êtres organisés qui devaient le peupler jusqu’à la fin des temps. Chacun de ces germes est en raccourci, soit une plante complète avec ses racines, son tronc, ses branches, ses feuilles, soit un animal parfait, auquel il ne manque rien, pas même un poil ou une plume. Placée dans des conditions favorables, cette espèce de miniature animée grandit, il est vrai ; jamais elle n’ajoute la moindre partie nouvelle à celles qu’elle possède depuis la création du monde. Jusque-là les évolutionistes sont à peu près unanimes, mais l’accord disparaît quand il s’agit d’expliquer la répartition actuelle de ces germes. Les uns, comme Bonnet, le célèbre naturaliste genevois, veulent que les germes infiniment petits et indestructibles de leur nature soient répandus partout. Ils les voient circuler dans la sève des arbres, dans le sang des animaux, prêts à se développer en tout ou en partie, soit pour donner naissance à un embryon, soit pour reproduire quelque organe perdu par l’être vivant qui les renferme. Le jeune oiseau, le petit mammifère, sont des germes qui subissent une évolution complète ; la patte d’écrevisse qui repousse après avoir été arrachée, la tête ou la queue d’un lombric qui se reproduisent après avoir été tranchées, sont la patte, la tête, la queue d’autant de germes qui profitent de l’occasion pour développer une portion de leur être, tandis que le reste demeure à l’état rudimentaire. D’autres évolutionistes, et parmi eux nous plaçons avec regret le grand Haller et Cuvier lui-même, admettent que les germes ne se trouvent que dans certains organes. Or, comme un germe ne peut renfermer ses descendans que dans l’organe où il était lui-même contenu par ses ascendans, il résulte de cette première donnée que les germes de toutes les générations passées, présentes et futures ont été et sont encore contenus les uns dans les autres par emboîtement. Dans cette hypothèse, un animal est une espèce de boîte d’escamoteur, et, quand un individu nouveau vient à naître, c’est tout simplement qu’un des doubles fonds de la boîte a été enlevé. Pour réfuter de semblables idées, il suffit aujourd’hui de les énoncer.

La doctrine de Buffon, celle que nous appellerons doctrine de l’accolement, n’est guère plus rationnelle. D’après cet illustre naturaliste,