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leur structure, de l’oeuf par leurs fonctions. Examinez avec mois ces synhydres, espèce de polypes que j’ai trouvée le long de nos côtes de la Manche. Sur quelque vieille coquille abandonnée, vous voyez, s’étendre une couche assez mince de substance charnue, hérissée de petits mamelons et soutenue par un lascis de matière cornée : c’est le polypier, véritable corps commun auquel tient toute la colonie. Les animaux, fort semblables aux hydres d’eau douce, ont un corps allongé, terminé par une bouche qu’entourent six ou bruit tentacules mobiles, remplissant les fonctions de bras et de mains. Des canaux étroits, formant un réseau, vont d’un individu l’autre, et mettent en communication toutes les cavités digestives, de telle sorte que la nourriture prise par chaque polype profite directement à la communauté entière. Cet étrange animal se multiplie de trois manières différentes. Du polypier charnu, dont nous avons parlé, s’élèvent des bourgeons quI croissent et s’organisent à la façon de ceux de l’hydre, mais sans abandonner jamais le lieu de leur naissance ; dans l’épaisseur du même polypier se développent des oeufs proprement dits ; enfin, un certain nombre d’individus sont chargés d’engendrer de véritables bulbilles, et, comme si c’était assez pour eux que de remplir cette fonction, ils n’ont ni bras ni bouche, et sont nourris par leurs voisins. Les bourgeons ovoïdes qui naissent sur leur corps se détachent à certaines époques et sont entraînés par les courans. Beaucoup périssent sans doute, mais ceux qui rencontrent un lieu favorable se fixent, s’allongent, et, en quelques jours, donnent naissance à un polype, qui, d’abord isolé, devient à son tour la souche d’une nouvelle colonie.

On le voit, entre la graine et le bourgeon végétal, entre l’oeuf et le bourgeon animal, la différence n’est pas aussi profonde qu’on pourrait le croire d’abord. Dans les deux règnes, le bulbille sert d’intermédiaire. Pour désigner ces divers corps reproducteurs, employons donc un terme plus général, et nous pourrons les définir d’une manière plus précise. Le bourgeon est un germe qui, pour se développer a besoin d’adhérer au parent, lequel ne mérite ici, en réalité, ni le nom de mâle ni celui de femelle ; le bulbille est un germe qui se détache du parent et se développe sans fécondation ; l’oeuf est un germe qui, pour se développer, exige le concours des deux sexes et se détache du parent[1]. Tout être vivant, provient d’un germe existant avant lui telle est la véritable traduction qu’il faut donner de la phrase latine citée plus haut.

Rappeler ici tout ce qui a été dit sur l’origine, la nature, le mode de développement de ces germes, serait chose impossible. L’absurde

  1. On sait aujourd’hui que les animaux vivipares proviennent d’un oeuf aussi bien que les animaux ovipares. La seule différence existant entre ces deux modes de développement consiste en ce que, dans le premier cas, l’œuf détaché de l’ovaire se développe dans l’intérieur de la mère. L’homme lui-même n’échappe pas à cette loi.