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et celles-ci, tapissées d’une couche calcaire que sécrète l’animal, ne communiquent jamais entre elles. Cette circonstance avait dû faire ranger les tarets parmi les animaux privilégiés qui sont à la fois mâles et femelles. En effet, cette opinion a été généralement admise. Elle n’est pourtant pas fondée. Ici comme dans bien d’autres cas, la nature a résolu le problème à l’inverse de nos prévisions. Malgré leur vie de cénobite, les tarets ont les sexes séparés. À une époque variable, selon les espèces[1], les femelles émettent leurs oeufs, et ceux-ci s’arrêtent dans les replis de l’organe respiratoire. C’est dans ce singulier nid que les petits naissent et vivent pendant quelque temps sous une forme bien différente de celle qu’ils auront un jour. Au moment de subir leur dernière métamorphose, ces jeunes tarets quittent la branchie de leur mère, vont se fixer sur le premier morceau de bois venu, commencent leurs galeries, et à partir de ce moment, ils sont à l’abri de toute attaque. Il faut donc les détruire avant cette époque, ou, ce qui est à la fois plus sûr et plus économique, il faut les empêcher de naître. Pour atteindre ce but, il suffit de dissoudre dans l’eau que respirent les mères une quantité infiniment petite d’un sel de mercure de plomb ou de cuivre.

En effet, on sait que l’oeuf, ou élément femelle fourni par la mère, a besoin, pour se développer, d’être fécondé, c’est-à-dire d’être mis en contact avec un élément particulier venant du mâle. Chef tous les animaux étudiés jusqu’à ce jour, cet élément fécondateur, examiné au microscope, s’est montré composé de la même manière. Dans un liquide parfaitement transparent, on voit se mouvoir de petits corps très singuliers, ayant comme une tête plus ou moins arrondie et une longue queue qui leur sert à nager avec beaucoup de rapidité. Soumis à l’action de divers agens, ces corpuscules se conduisent comme les infusoires. On les emprisonne avec les substances vénéneuses : on les foudroie avec l’étincelle électrique. Séduits par ces expériences, les premiers observateurs virent en eux de véritables animaux, et, à raison de leur petitesse, les appelèrent du nom d’animalcules associe ; et un adjectif qui indiquait, leur origine[2]. Des recherches plus approfondies nous ont donné aujourd’hui des idées plus justes sur leur véritable nature. Ces petits corps sont produits par des organes spéciaux tout comme les simples granulations si abondantes dans les liquides des êtres vivans.

  1. On a cru long-temps, et quelques naturalistes semblent croire encore que nos mers ne possèdent qu’une seule espèce de taret. C’est là une erreur bien évidente. Aux Passages, je trouvai deux espèces parfaitement distinctes. La ponte de l’une était terminée vers la fin d’octobre, et je ne trouvais dans ses branchies que des larves déjà mobiles. L’autre doit pondre au printemps, car pendant tout l’hiver j’ai trouvé des neufs dans les femelles et du liquide fécondateur dans les mâles.
  2. Bien que cette expression d’animalcules soit inexacte, nous continuerons à l’employer pour éviter de nous servir d’un mot par trop technique.