coutume par la légende d’Aïtor. Pendant son exil sur la montagne, ce père des Euskaldunac eut un fils, et la mère, craignant pour les jours de cet enfant, si elle restait seule auprès de lui, le laissa sous la garde de son mari pendant qu’elle allait elle-même chercher la nourriture nécessaire à toute la famille. Depuis lors, les Basques ont conservé cette espèce de cérémonie en souvenir de la rude existence de leurs premiers parens. On comprend que nous ne saurions admettre cette explication d’un usage si contraire à nos mœurs, et nous aimons mieux y voir un reste de cette barbarie qu’on trouve chez tant de peuples sauvages, où l’homme, le guerrier, est tout, et la femme rien.
Les caractères moraux et intellectuels de ces populations répondent pleinement à leur extérieur. Une propreté vraiment recherchée et qui frappe surtout chez les Basques français, annonce chez les Euskariens ce respect de soi-même trop souvent oublié par nos paysans et nos ouvriers. Le sentiment de l’indépendance, l’amour de leur pays, sont les deux plus grands mobiles de leur vie. Fiers de leur origine, ils dédaignent tous leurs voisins espagnols ou français ; toutefois les Castillans et les Galiciens sont plus particulièrement l’objet de leur mépris. Entreprenans, actifs, ils quittent facilement leur patrie, mais c’est pour y revenir après avoir fait fortune. Capables de se livrer aux travaux les plus soutenus, ils deviennent promptement d’excellens ouvriers, et cette qualité seule, à une époque industrielle comme la nôtre, assure, dans un avenir peut-être prochain, aux provinces basques espagnoles une prépondérance décisive sur les autres populations de cet état. Doués d’un esprit, vif et pénétrant, ils sont enclins à la plaisanterie, à la moquerie même. L’instinct de la poésie et de la musique, favorisé par une langue où les mêmes consonnances reviennent à chaque instant, est très développé chez eux. Parfois, dans une fête, les habitans de deux villages se livrent à de véritables joutes poétiques. Pendant des journées entières, les improvisateurs des deux camps opposés se défient et se répondent en vers, tantôt parlés, tantôt chantés sur ces airs nationaux qu’on appelle des sorsicos. Le moindre événement devient le thème d’une chanson qui court bientôt le pays, et c’est là une arme redoutable qui sert à faire justice de bien des petits méfaits. Par exemple, tout amant trahi ou trompé chansonne sa maîtresse, et de quelque temps celle-ci ne peut sortir de chez elle sans entendre jusqu’au dernier gamin fredonner ses infidélités. Cette abondance de productions a peut-être son inconvénient. Les nouvelles venues font oublier les anciennes, et, de plusieurs chansons que je me suis fait traduire, une seule m’a présenté des caractères d’antiquité. Il faut aujourd’hui aller jusqu’au centre des montagnes pour trouver quelque vieillard, sachant encore ces vieux chants qui datent de Charlemagne et racontent les antiques traditions des Euskaldunac.