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à attaquer les étrangers. Si la constitution et les mœurs consacrent en outre parmi tous ses membres l’égalité réelle résultant d’un pareil état de choses, il en résultera un développement à peu près uniforme. Tel est, en effet, le tableau que nous présente l’ensemble de la race euskarienne. Cette race n’a jamais été ni opprimée ni oppressive. Elle n’a pas été conquise, elle n’a pas fait de conquêtes[1]. On ne rencontre pas chez elle le contraste affligeant de l’extrême misère et de la richesse exagérée. Une aisance générale, basée sur la culture du sol, semble avoir début temps régné dans ce pays, qui a dû aussi ses prospérités au commerce maritime. Admirablement propre à toute profession qui exige du courage, de l’adresse et de l’agilité, les Basques ont été long-temps les plus hardis marins de l’univers, et soutiennent encore aujourd’hui leur vieille réputation. Au moyen-âge, ils savaient seuls attaquer et vaincre les baleines, très nombreuses alors dans nos mers. Ce fut sans doute en poursuivant ces cétacés qu’ils laissèrent le long de nos côtes des colonies où l’on retrouve encore, au milieu de populations d’origine très différente, l’incontestable empreinte du type euskarien[2]. Les Basques poussèrent fort loin leurs expéditions de pêche. Ils fréquentèrent de très bonne heure l’Islande et le Groenland, et, à en croire quelques auteurs, ils auraient découvert le banc de Terre-Neuve et le Canada environ cent ans avant que Christophe Colomb abordât en Amérique.

La race euskerienne est extrêmement remarquable par la beauté de son type, dont les principaux caractères ethnographiques sont un crâne arrondi, un front large et développé, un nez droit, une bouche et un menton très finement dessinés, un visage ovale plus étroit dans le bas, de grands yeux noirs, des cheveux et des sourcils noirs, un teint brun et peu coloré, une taille moyenne, mais parfaitement proportionnée, des pieds et des mains petits et bien modelés. Grace à la rareté des croisemens, ce type s’est conservé, surtout dans les montagnes du Guipuzcoa et de la Biscaye, avec une pureté surprenante. Bien des fois j’ai admiré à Saint-Sébastien des réunions fort nombreuses, où, pour

  1. La domination de quelques chefs basques au-delà de leurs frontières n’a jamais été que passagère ; toutes les fois que cette race a cherché à s’étendre, elle a été refoulée.
  2. Les habitans de quelques îles de la Bretagne, ceux de quelques ports de la Normandie, doivent peut-être les caractères qui les distinguent à un mélange de l’élément euskarien avec l’élément celtique. Ce fait me semble probable pour l’île de Bréhat ; il me parait incontestable pour Grandville. Les femmes de ce port de mer rappellent tout-à-fait les Basquaises par l’ensemble de la physionomie, par la beauté et le caractère spécial du visage et surtout par la forme gracieuse de la ligne qui s’étend de la tête jusqu’au bas des épaules. Ce dernier trait me semble vraiment caractéristique. M. Vivien de Saint-Martin a fait des observations analogues sur la population des pêcheurs de Boulogne ; il pense même que l’élément ethnologique à cheveux noirs qui s’est mêlé à l’élément celtique blond sur plusieurs points occidentaux de l’Europe pourrait bien être en entier d’origine euskarienne.