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douter, le 31 août 1813, Saint-Sébastien a été détruit par ses propres alliés, et sa ruine était préméditée.

La responsabilité de cette destruction retombe évidemment tout entière sur les généraux anglais qui commandaient l’armée assiégeante et qui tenaient des événemens une véritable omnipotence. Quelle raison pouvait motiver, de leur part, une conduite aussi étrange qu’odieuse ? Certes ils n’obéissaient pas à un instinct de barbarie gratuite, qui n’est nullement dans le caractère de leur nation. Au moment même où les soldats pillaient et massacraient leurs alliés espagnols, on les voyait accueillir avec une générosité chevaleresque les Français pris les armes à la main[1]. Ils n’avaient pas non plus à faire un exemple, à terrifier des populations hostiles. Comme toutes les provinces d’Espagne, le Guipuzcoa les accueillait en libérateurs. Saint-Sébastien pour parler le langage du temps, était une cité loyale, détestant la France et les Français, prête à se dévouer pour quiconque s’offrait à elle comme ennemi de Napoléon : jamais ses habitans n’avaient déguisé ni leurs affections ni leurs haines ; mais cette ville était le chef-lieu d’une de ces provinces basques où l’industrie et le commerce ont toujours tendu à se développer ; elle avait été le siége de riches compagnies qui exploitaient les colonies espagnoles[2] : le retour de la paix allait raviver les rapports actifs avec la France, que sa position géographique rend inévitables. Pour cela seul peut-être, Saint-Sébastien devait périr. Tout en faisant la guerre à Napoléon, les Anglais profitaient de l’occasion pour assurer leur commerce, pour étouffer jusqu’aux moindres germes dont le développement aurait pu soustraire leurs alliés à ce vasselage industriel que subit encore le Portugal. En

  1. « Pues no impedio que la tropa se entregase al saqueo mas completo y a las mas horrorosas atrocitades, al proprio tiempo que se via no solo dar quartel, sine tambien recibir con demostraciones de benevolencia a les Franceses cogidos con las armas en las manos. » (Manifesto) Le manifeste revient souvent sur cette circonstance avec un sentiment d’amertume assez facile à expliquer.
  2. La compagnie des Philippines avait son siége dans Saint-Sébastien même ; la compagnie de Caracas avait le sien au port des Passages, à une petite lieue de Saint-Sébastien.