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comprimés par la sévérité militaire, se manifestèrent de la façon la moins douteuse. Les cris de joie, les vivats retentissaient dans toute la ville ; les mouchoirs s’agitaient à toutes les croisées, à tous les balcons. Qu’on juge de la stupeur de ces pauvres citadins en voyant les vainqueurs dont ils célébraient le triomphe répondre à cet accueil par des coups de fusil, et frapper de leurs balles plusieurs personnes à ces mêmes balcons, à ces mêmes croisées d’où partaient d’enthousiastes félicitations[1] !

Dès le commencement de l’assaut, les autorités civiles et les notables s’étaient réunis à l’hôtel-de-ville, dans l’intention d’aller au-devant des alliés dès que la première colonne de troupes se présenta sur la place Neuve, les alcades s’avancèrent avec empressement, embrassèrent le commandant, et mirent à sa disposition toutes les ressources de la ville ; puis, se frayant un chemin au milieu des cadavres, ils se dirigèrent vers la brèche. Déjà sur ce trajet ils durent avoir de cruels pressentimens. Le capitaine anglais qui commandait aux portes insulta l’un d’eux et le menaça de son sabre[2]. Enfin, arrivés à la brèche, ils y rencontrèrent le major-général Hay, qui les accueillit avec bienveillance, et leur donna une garde pour faire respecter l’hôtel-de-ville.

Cette apparence de protection ne devait être que momentanée. Pendant que les Français se retranchaient paisiblement dans la citadelle et aux abords du mont Orgullo, pendant qu’on négligeait, à leur égard jusqu’aux plus simples précautions indiquées par l’art militaire, Saint-Sébastien était mis à sac par ses prétendus libérateurs. Une soldatesque effrénée, et que pas un officier ne tenta d’arrêter, pillait les maisons, massacrait les habitans, outrageait l’épouse sous les yeux de son époux, la fille sous les yeux de sa mère. Ici le manifeste signale des actes d’une barbarie atroce[3]. Enfin, l’incendie vint couronner dignement ces effroyables scènes. Dans la soirée, les soldats anglais et portugais mirent le feu à une maison de la Grand’Rue, puis sur d’autres points encore,

  1. « Los pamuelos que se tremolaban a las ventanas y balcones al propio tiempo que se asomaban las gentes a solemnizar el triumfo, eran claras muestras del afecto con que se recibia a los aliados : pero insensibles estos a tan tiernas y decididas demostraciones, conrresponden con fusilazos a las mismas ventanas y balcones de donde les felicitaban y en que perecieron muchos victimas de la efusion de su amor a la patria » (Manifesto.)
  2. « Pero autos de llegar a ella y averiguar en donde se hallaba el general, fue insultado y amenazado con el sable por et capitan Ingles de la guardia de la puerta uno de los alcades. »
  3. « Una desgraciada joven ve a su madre muerta violentamente y sobre aquel amado cadaver sufre los lubricos insultos de una vestida fiera en figura humana. Otra desgraciada muchacha cujos lastimosos gritos se sitieron en la esquiva de la calle de San-Geronimo, fue vida quando rayo el dia, rodeada de soldados, muerta, atada a una barrica, enteramente desnuda, ensangrentada, y con una bayoneta atraversada por cieta parte del cuerpo que el pudor no permite nombrar. » (Manifesto.)