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résulte de cette espèce de mélange. Chaque riche connaît plus vite et soulage plus aisément des misères qui le coudoient, et le pauvre, sans cesse en contact avec les classes aisées, est mis forcément en garde contre le laisser-aller, qui dégénère si vite en incurie et en malpropreté.

Saint-Sébastien est en entier une ville neuve. À part les églises et quelques maisons placées dans leur voisinage, toutes les autres bâtisses sont récentes : les plus vieilles comptent au plus trente-six ans d’existence. En 1813, les Anglais et les Portugais, ces alliés que l’Espagne soulevée contre Napoléon saluait du titre de libérateurs, ont réduit en cendres l’antique Donestia[1]. Peut-être nous saura-t-on gré de donner sur cet événement fort étrange et fort mal connu quelques détails d’une authenticité incontestable[2].

Depuis cinq ans, Français étaient maîtres de Saint-Sébastien et de la province, lorsque, le 28 juin 1813, les trois bataillons de Guipuzcoa, commandés par le colonel don Juan Jose de Ugartemendia, parurent sur les hauteurs de San-Bartolome et commencèrent l’investissement de la place. Les habitans pensaient alors comme toute la nation espagnole ; à leurs yeux, les Français étaient des oppresseurs ; aussi accueillirent-ils avec la plus vive joie l’espoir d’être bientôt délivrés. Bon nombre d’entre eux s’échappèrent de la ville et coururent au-devant des alliés. Cette émigration devint même si générale, que les général Emmanuel Rey, commandant des troupes françaises, crut devoir y mettre un terme. Toutefois il s’abusait si peu sur les dispositions

  1. Nom basque de Saint-Sébastien.
  2. La plupart des détails relatifs à l’incendie et au sac de Saint-Sébastien m’ont été racontés par des témoins oculaires. Cependant je n’avancerai rien ici qui ne soit justifié par deux publications officielles que j’ai pu consulter à loisir L’une est un manifeste rédigé par l’autorité municipale et les notables de Saint-Sébastien ; il renferme l’exposé des faits qui se sont passés le 31 août 1813 et jours suivans, et le récit que je mets sous les yeux du lecteur n’est qu’un extrait de ce manifeste. L’autre est un recueil de pièces justificatives contenant la correspondance des mêmes autorités avec Wellington, duc de Ciudad-Rodrigo, général en chef de l’armée alliée, et avec la régence du royaume d’Espagne. Ces deux documens sont aujourd’hui extrêmement rares. Pendant la guerre de don Carlos, les officiers de la légion étrangère, venue à Saint-Sébastien à titre d’auxiliaire, en ont recherché avec le plus grand soin tous les exemplaires pour les emporter ou les détruire. Voici les titres de ces deux publications :
    Manifesto que et ayuntamiento constitucional, cabildo eclesiastico, illustre consulado y vecinos de la Ciudad de San-Sebastian presentan a la nacion sobre la conducta de las tropas Britanicas y. Portugesas en dicha plaza el 31 de agosto de 1813 y dias sucesivas. -. Anno 1814. — En Tolosa : por D. Francisco de la Lama, impressor de esta M. N. y M. L. Provincia de Guipuzcoa y su Junta diputacion.
    Primer Suplemento al manifesto publicado el 16 de enero ultimo por et ayuntamiento constitucional, corporationes y vecinos de San-Sebastian - Anno 1814. — En Tolosa : por D. Francisco de la Lama, impressor de la M. N. y M. L. Provincia de Guipuzcoa y su diputacion.