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ne prit jamais une grande extension en dehors des villes, où les étrangers avaient exercé une influence passagère. Les jeunes états se déclarèrent très énergiquement contre tout changement à la législation : ils ont en effet un intérêt immense à ce que leur population s’accroisse rapidement, et, pour attirer chez eux le flot de l’émigration, ils ont soin d’abaisser autant que possible toutes les barrières, à tel point que, lors de leur érection en territoires, le Michigan et l’Iowa s’obstinèrent, malgré les observations du congrès, à maintenir dans leur législation un article qui confère aux étrangers, après six mois de séjour, la plénitude des droits civils et politiques. Leurs délégués déclarèrent, au nom de leurs commettans, qu’ils aimeraient mieux différer leur entrée dans l’Union que de modifier cet article. Dans un pays nouveau, l’accroissement de la population amène avec soi la sécurité, l’abondance du travail, le développement de la consommation, en un mot tous les élémens de la prospérité et de la richesse. Là est le secret de cette législation si libérale envers les étrangers.

L’opposition déclarée des jeunes états obligea bientôt de renoncer à toute idée de faire du nativisme un moyen d’agitation générale, et le nouveau parti, confiné dans les lieux mêmes de sa naissance, y périt bientôt à cause même de ses succès. La facilité avec laquelle toute influence dans les élections avait été enlevée aux étrangers montrait péremptoirement que la négligence ou la division des anciens habitans avaient fait seules la force des nouveaux citoyens, et que le péril qu’on avait entrevu était à peu près imaginaire. Le déclin du parti natif américain a été aussi rapide que son développement, et, dans le congrès qui siége aujourd’hui à Washington, il ne se trouve plus qu’un seul membre élu à titre de natif américain ; encore ne le distingue-t-on guère des membres whigs, avec lesquels il vote habituellement. Le rôle des natifs, dans les dernières élections de New-York, a été presque insignifiant, et l’on peut prévoir le jour où le parti lui-même sera complètement éteint. Telle a été la courte carrière d’un parti qui a paru un moment devoir diviser l’Union entière, mais qui, créé par une appréhension populaire, soutenu par les journaux, développé, encouragé par quelques hommes politiques, n’a jamais eu qu’une existence factice.

La vie était ailleurs ; une autre idée bien autrement sérieuse, et destinée à tuer un jour les vieux partis, commençait alors à poindre. Ce n’est pas ici le lieu d’esquisser la longue et curieuse histoire de ce qu’on appelle l’abolitionisme ; qu’il nous suffise de dire qu’en 1844 les idées abolitionistes faisaient depuis dix ou douze ans leur chemin sous le manteau du parti whig. Le vénérable Adams consacrait à leur défense et à leur propagation son éloquente vieillesse, et c’était l’argent des whigs qui fondait ou alimentait les journaux abolitionistes. En