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rare encore que les présidens de section s’avisent d’en exiger la présentation, surtout quand les électeurs suspects arrivent, bannières et tambours en tête, avec le flot du parti auquel le président lui-même appartient.

À New-York et dans quelques autres villes, les émigrans sont assez nombreux pour exercer une influence sensible sur les élections locales. Ils en ont tiré parti. Les Irlandais notamment se sont promptement organisés ; ils votent avec ensemble dans toutes les élections, passant sans cesse d’un parti à l’autre, et sans autre préoccupation que de s’emparer des petites charges électives. Le parti démocratique fut accusé, en 1844, d’avoir abandonné ses propres candidats dans les élections municipales pour acquérir à ce prix les votes des Irlandais dans la lutte présidentielle. Cette invasion par les étrangers des fonctions municipales et de tous les emplois qui en dépendent était devenue à cette époque si fréquente et si complète, qu’elle exaspéra les Américains. Ceux-ci ne purent supporter d’être ainsi dépouillés par de nouveaux venus qui étaient à peine citoyens, qui souvent même n’avaient pas encore droit de cité. On réclama vivement contre l’influence illégitime exercée sur les affaires de l’Union par des étrangers qu’une générosité imprudente assimilait entièrement aux véritables Américains. Une agitation commença, des associations se formèrent pour réclamer la révision des lois de naturalisation, et pour ne porter dans les élections que des candidats américains de naissance. Les whigs applaudirent à ce mouvement, et un de leurs chefs, M. Daniel Webster, encouragea de ses efforts et de ses exhortations le parti nouveau-né, qui prit le nom de parti des natifs américains.

Les whigs, en s’associant à cette agitation, espéraient qu’elle se répandrait dans toutes les parties de l’Union, que le sentiment d’égoïsme national auquel elle faisait appel entraînerait la multitude, et qu’eux-mêmes recevraient en échange de leur appui un surcroît de popularité et de puissance. Il ne fut donc question, pendant un moment, que de réviser partout les lois de naturalisation, et de rendre plus difficiles à acquérir le titre et les droits de citoyen américain. On peut penser que les nouveaux venus, menacés dans leurs droits et dans leurs espérances, ne s’oublièrent pas ; ils s’agitèrent à leur tour, et se jetèrent dans les bras du parti démocratique, qui, au nom de la générosité américaine, au nom de l’hospitalité, combattit, comme injuste, illibérale et impolitique, l’idée de rendre plus rigoureuse la législation sur la naturalisation. Cependant, au premier moment, l’élan était donné, et les rangs des natifs américains grossirent à vue d’œil ; ils enlevèrent les élections de la Pensylvanie et de New-York. Plusieurs années consécutives, il fut impossible de leur disputer l’élection du maire de New-York ; mais ces succès ne furent pas de longue durée : le mouvement