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une foule de gens à faire de la politique par spéculation et à n’avoir d’autres moyens d’existence que leurs services électoraux, en entretenant l’amour et le besoin des places, alimente la corruption politique, et jette dans le peuple américain les germes d’une démoralisation profonde. Il a eu en outre pour conséquence de dénaturer rapidement les institutions américaines, en faisant de toutes les fonctions un objet de trafic, une véritable marchandise. Les fonctions purement honorifiques ont disparu ; on a attaché un salaire à toutes, afin que toutes fussent une récompense pécuniaire. Toutes les magistratures, même celles qui semblent exiger le plus impérieusement des garanties de moralité, de savoir et de capacité, même celles qui doivent avoir pour conditions essentielles l’indépendance et la fixité, subissent une commune transformation. Les partis, plus préoccupés d’augmenter la monnaie électorale dont ils disposent que des vrais intérêts de la communauté, sont toujours d’accord pour créer de nouvelles fonctions, pour abréger la durée des fonctions déjà existantes et pour les soumettre à l’élection directe, sans excepter même les charges de judicature. Depuis quinze ans, une véritable révolution s’accomplit, sous ce rapport, aux États-Unis, et ses progrès deviennent chaque jour plus rapides : l’état de New-York, qui a modifié, il y a trois ans, sa constitution, a étendu jusqu’aux fonctions judiciaires le principe de l’élection directe, et la convention qui révise en ce moment même la constitution de Kentucky veut y introduire le même changement. On peut prédire que d’ici à quelques années toutes les fonctions judiciaires seront électives aux États-Unis. L’expérience dira si des corps judiciaires soumis à la réélection tous les trois, tous les cinq ou même tous les sept ans, sont un progrès sur l’ancienne organisation. Déjà, dans les états où ce changement date d’un certain nombre d’années, comme la Louisiane, on se plaint des difficultés que présente un bon recrutement du corps judiciaire ; les places de juges, autrefois recherchées avec ardeur par tous les hommes de mérite, sont aujourd’hui refusées par les hommes de loi de quelque réputation.


II

L’organisation la plus savante et même la large curée que peut promettre la conquête du pouvoir ne suffisent pas long-temps à maintenir unie et compacte la masse d’un parti, lorsque, à défaut de principes bien définis, ce parti n’a pas au moins une idée qui lui serve de signe de ralliement. Aussi, depuis quelques années, les hommes politiques des États-Unis sont-ils toujours à l’affût des moindres circonstances qui peuvent exercer quelque action sur le mouvement de l’opinion publique, et c’est une lutte à qui devinera le premier de quel côté