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ISMAËL ER-RASCHYDI


RECIT DES BORDS DU NIL.




I. – LE FELLAH.

Aux environs de Rosette, sur les bords du Nil, vivait un vieux fellah, pauvre comme ils le sont tous. En Égypte, le paysan ne profite guère de la prodigieuse fertilité du sol qu’il laboure et arrose avec tant de fatigue : ce qu’il gagne, le fisc le lui enlève. De plus, la guerre avait privé cet homme de ses enfans, qui étaient allés porter les armes en Arabie. Il restait seul avec sa femme, trop âgée pour travailler à la terre ; leur vie se passait dans la misère et la tristesse. Moins heureux que les vieux époux bénis des dieux dont parle La Fontaine,

Qui surent labourer, sans se voir assistés,
Leur enclos et leur champ par deux fois vingt étés,


ils avaient dû prendre à leur service un orphelin du voisinage nommé Ismaël. Tous les trois ils habitaient une de ces cabanes à moitié enfouies sous le sol et bâties avec le limon du Nil, qui ressemblent plus à la tanière d’une bête fauve qu’à la demeure d’un être humain. Sur le toit, formé de roseaux et de feuilles sèches, et crevé en maints endroits, dormaient des chiens maigres qui, au moindre bruit, se dressaient sur les pattes en poussant des hurlemens féroces. Qu’avaient à