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la tienne, et personne, sous mes yeux, ne provoquera impunément mon armée à l’indiscipline. Adieu.

Pendant cette explosion impétueuse d’un orage long-temps amassé et péniblement contenu dans lame du jeune général en chef, le visage du conventionnel s’était soudainement couvert d’une teinte de pourpre presque aussitôt remplacée par une pâleur livide. Ses lèvres agitées parurent se refuser à l’expression de la colère qui soulevait sa poitrine. Il ne put répondre que par une sourde exclamation à l’adieu menaçant de son rival, et quitta brusquement la chambre, en faisant de la main un geste d’implacable ressentiment.

Mais déjà le temps n’était plus où le signe d’une telle main pouvait imprimer la mort au front de toute gloire et de toute puissance, comme de toute beauté, et, dans la balance du comité de salut public, les talens et les services du vainqueur de Wissembourg devaient avoir plus de poids que le puritanisme farouche et les vertus barbares du survivant de thermidor.

Plus d’une fois, même avant cette période de l’époque révolutionnaire, la tente des généraux de la république avait été le théâtre de scènes analogues à celle que nous avons essayé de mettre sous les yeux du lecteur ; mais c’était plus fréquemment dans l’intimité de leur état major que lus chefs militaires donnaient un libre cours aux sentimens d’amer découragement qu’engendrait au fond de leur cœur la présence ombrageuse des représentans en mission. L’unité et la dignité du commandement compromises, la science de la guerre ou l’inspiration du champ de bataille discutées et entravées par les froides objections d’hommes étrangers au métier des armes, tels étaient les textes avoués de ces plaintes et de ces discordes souvent fatales, souvent mortelles ; il y fallait joindre la jalousie du pouvoir partagé, l’orgueil toujours exclusif de l’uniforme, et les effets sans nombre des passions mesquines qui trouvent à se loger même dans les aines héroïques. L’histoire a enregistré quelques-uns des faits d’ignorance et de présomption dont les généraux républicains s’armaient à bon droit contre leurs collègues civils ; mais, pour être juste, elle n’a pas dû oublier que, parmi ces avocats et ces législateurs à cheval, plus d’un releva fièrement notre drapeau sous les balles et ramena des vétérans à l’ennemi.

Après la réaction thermidorienne, la plupart des représentans en mission aux frontières ou dans l’ouest, ne se sentant plus soutenus au même degré par l’autorité centrale, avaient assoupli leur rôle aux circonstances, et laissé se détendre entre leurs mains les liens affaiblis de leur souveraineté. Quelques-uns seulement, soit par défaut de sagacité, soit par une résistance calculée au nouveau cours des choses,