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de l’indulgence qui s’attache aux délits politiques ? Les propriétés publiques ont fait les frais de la première révolution. Prenons garde que la propriété privée ne fasse les frais de la seconde, car, cet abri renversé et le foyer de la famille détruit sur la terre, je ne sais plus où l’ordre pourrait se réfugier. Les lois qui portent atteinte à la propriété ne sont que la préface de la spoliation et le vestibule de la guillotine.

M. le ministre des finances a fait de la taxe sur le revenu une taxe proportionnelle. C’est un écart de logique : l’impôt du revenu doit être et il est en effet progressif, à peu près dans tous les pays où on l’a établi. La pensée fondamentale de l’impôt sur le revenu consiste à exempter le nécessaire pour ne taxer que le superflu ; elle tient compte au contribuable de ses besoins, comme celui-ci doit compte à l’état de sa richesse : or cette pensée mène droit à l’impôt progressif. Dans tout système de contribution qui fait deux parts de la richesse générale, la plus forte et celle du plus grand nombre que l’on affranchit des charges publiques, la plus faible et celle du petit nombre à laquelle le poids de ces charges est réservé, il s’ensuit naturellement que plus le contribuable est riche, et plus le trésor cherche à retrancher, en se l’appropriant à titre de tribut, de ce superflu dont quelques-uns regorgent. Partager le revenu individuel en nécessaire et en superflu, c’est en quelque sorte déclarer le superflu de bonne prise. C’est proposer aux fortunes un niveau commun, duquel, à défaut de la Providence qui avait sans doute d’autres desseins, la sévérité du fisc les rapproche. Le taux de l’impôt s’élève alors comme le flot de l’opulence : ce n’est plus un péage levé sur ceux qui suivent le cours du fictive ; c’est une digue destinée à le rétrécir.

On pose le premier jalon de l’impôt progressif dès que l’on affranchit de la taxe sur le revenu certaines classes de contribuables. Si l’on exempte en effet ceux qui ont peu, il faudra surtaxer ceux qui ont beaucoup, car ces deux idées sont corrélatives. Une de ces nécessités étant reconnue, l’autre vient de soi. Dès que la proportionnalité de l’impôt ne s’étend pas à tous les contribuables, elle n’existe plus logiquement pour personne, et l’application est bien compromise quand le principe se trouve ainsi méconnu et virtuellement détruit. Ajoutez que les contribuables exemptés finissent par considérer l’exemption comme un droit, et par croire que l’opulence acquise, au-delà d’une certaine limite, est une espèce de patrimoine public sur lequel l’état dans les circonstances urgentes, peut peser et prendre à volonté.

À Genève, la taxe des gardes, impôt établi principalement sur les valeurs mobilières, ne frappe pas les capitaux inférieurs à 5,000 florins. Cet impôt a été une sorte de transaction entre le peuple et l’aristocratie bourgeoise ; on peut dire que celle-ci a capitulé. La progression s’y fait sentir de deux manières : d’abord par l’exemption des cotes inférieures,