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que l’aristocratie et le peuple. Toutes les sectes y recrutent des croyans. Voyez pourtant ils se souviennent de la politique ! Ces sectes se suspectent entre elles, et toutes sont d’accord pour suspecter l’église établie, et, comme on dit dans la langue sectaire, la haute église. On combat de tous côtés avec des textes de théologie. Les femmes même s’en mêlent, et quelques-unes échangent des lettres où l’imagination féminine ajoute aux subtilités de la matière. Dans tout cela, personne ne parle d’attaquer l’église établie. Chose établie, chose sacrée. Le respect que les dissidens refusent à la doctrine, ils l’accordent à l’institution. L’excès de l’esprit de secte pourrait les rendre intolérans, la politique les rend libéraux.

J’ai vu quelque chose de plus caractéristique. On sait que la haute église s’appuie sur l’aristocratie, j’entends l’aristocratie tory ; il semblerait donc que les dissidens de toutes les sectes, dans l’inquiétude que leur donne la haute église, dussent être les ennemis de l’aristocratie avec qui elle fait cause commune, ou tout au moins appartenir au parti whig. Point. J’en ai vu, et plus d’un, qui était à la fois opposé à la haute église et tory, hostile aux évêques et ami des lords. Exemple fort commun en Angleterre, inouï chez nous, où tel qui est mal avec son curé en veut à l’évêque qui nomme le curé et au gouvernement qui nomme l’évêque. Il n’en faut même pas tant pour être de l’opposition systématique. Un garde champêtre un peu strict sur la chasse va faire des ennemis irréconciliables au pouvoir, roi ou président. Il est vrai qu’il est certaines gens qui en veulent au gouvernement de ce qu’ils sont de petite taille ou de ce qu’ils ne savent pas proportionner leurs dépenses à leurs ressources.. Que de révolutionnaires ne fait pas chez nous un tailleur un peu pressant !

Le même discernement qui leur fait voir par où la politique est intéressée dans la religion : produit l’accord de toutes ces sectes sur un autre point, le maintien de la célébration du dimanche. Ils y tiennent comme à un article de dogme, comme à une institution, comme à un usage. La foi, l’esprit politique, les mœurs, se liguent pour soutenir le dimanche. Toute distinction de secte disparaît ; la basse église tend la main à la haute, et le même jour, aux mêmes heures, toute la Grande-Bretagne est unie, comme un seul cœur, dans le même acte religieux, politique et social à la fois. Ce jour-là, tout travail cesse, tout soin des affaires de ce monde est interdit, tout plaisir est une impiété. Les joujoux même sont ôtés des mains des enfans, à qui l’on apprend, dès leur entrée, dans la vie, l’esprit de sacrifice qui seul fait les hommes libres. Toute la maison, maîtres et domestiques, va à l’église, rarement à la même, les maîtres à la paroisse, les domestiques à la chapelle dissidente, et sans y maudire leurs maîtres. Le père y conduit ses fils et leur y donne l’exemple du recueillement ; manquer au prêche