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royaume-uni, sont assimilés, quant aux avantages, aux navires nationaux dans toutes les possessions de l’empire britannique. Hors de chez eux, les habitans de l’archipel peuvent dire partout : Nous sommes citoyens anglais, et s’abriter sous le pavillon de saint George ; chez eux, ils disent : Nous sommes Normands, et se gouvernent selon leurs propres lois. Le malfaiteur que la cour a jugé d’après son code particulier, et qu’elle veut éloigner à jamais de sa patrie, un convict-ship le prend et l’emporte dans les colonies pénales de la métropole ; le pays n’a plus à y songer. Le Jersyais indigent peut émigrer où bon lui semble ; mais à l’étranger qu’il a accueilli sans lui demander : Qui êtes-vous il se réserve le droit de dire : Cette île est bornée, elle a une population suffisante ; si vous pouvez y vivre sans tendre la main, je vous déclare pauper, et les états vous enjoignent de retourner d’où vous venez. En temps de guerre, John Bull veille à la défense extérieure de l’archipel, il le protége de ses flottes ; en temps de paix, l’insulaire ombrageux le confine dans les forts. Le soldat anglais à Jersey ne paraît jamais en armes dans la rue, il ne monte point la garde hors des bastions. Il ne tient point garnison, à proprement parler, et c’est là que pour occuper les points fortifiés qui obéissent immédiatement au gouverneur, délégué de l’autorité royale. Et ces points fortifiés sont peu nombreux, car il n’appartient pas au gouvernement de la reine de les multiplier selon son bon plaisir. À quelles négociations ne dut pas se résigner la couronne, quand elle jugea utile d’acquérir, il a une cinquantaine d’années, le Mont de la Ville, sur lequel s’élève aujourd’hui la citadelle de Saint-Hélier ! Le peuple, par la voix de ses délégués, cria que ses libertés étaient menacées et qu’on allait l’embastiller. Dernièrement encore, la permission fut demandée aux états de construire, à Saint-Hélier aussi, un port de guerre qui pût servir d’abri à une station navale. La proposition fut rejetée. Les états, pour preuve de leur indépendance, et sans doute aussi pour montrer combien sont grandes les ressources du pays, adaptèrent ce projet à leurs vues particulières, ils entreprirent à leurs frais, avec le seul secours de l’impôt sur les boissons (et cet impôt est faible, mais on boit tant à Jersey !), une chaussée colossale qui doit tripler l’étendue du port marchand. Le gouvernement anglais obtint en dédommagement de ce refus la baie de Sainte-Catherine, à l’est de l’île. Là se poursuivent des travaux gigantesques ; il est sérieusement question de porter des ouvrages de défense jusque sur les récifs nommés les Ecrehos, qui obstruent le passage entre la côte et le continent, si bien que les batteries anglaises se trouveraient placées à moins de deux portées de canon de notre propre littoral.

Dans le contrat passé entre la couronne et les îles, on le voit, le plus fort ne s’est pas fait la part du lion. L’Angleterre a traité ce reste de