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ajoutez les réfugiés français, italiens et allemands, c’est-à-dire ces condottieri du radicalisme, qui vont, de pays en pays, proclamer la liberté nationale. Ils n’avaient pas manqué d’accourir à Genève pour ce grand jour ; car la démagogie a beau changer de théâtre, c’est toujours la nième pièce qu’elle joue, avec la même troupe. Le président du comité électoral conservateur a été attaqué par une bande furieuse. M. Baumgartner, radical qu’a converti l’expérience du gouvernement qu’il avait souhaité, a été attaqué dans l’enceinte même de l’église de Saint-Pierre, frappé, dépouillé de ses habits, qui ont été brûlés dans un grand feu de joie. Pour le délivrer, il a fallu que M. Fazy lui-même, c’est-à-dire le chef du gouvernement et du parti radical, fit de grands efforts et courût, dit-on, quelques périls il les a généreusement courus, et il a sauvé aussi le parti radical du reproche d’un meurtre abominable ; mais il n’a pas pu sauver, les élections du reproche de tumulte et de violence.

Pauvre Genève, et, comme à part la communauté éventuelle de fortune, nous plaignons sincèrement la décadence de cette ville qui est française et l’est d’une manière originale, d’une des capitales de notre esprit français protestant, d’une des métropoles enfin de notre civilisation ! Elle va donc passer sous le niveau écrasant du radicalisme ! Encore une de ces leçons, hélas ! que le destin ne se lasse pas de nous donner aux dépens des autres pays.

Que devient l’Allemagne ? ou va-t-elle ? retourne-t-elle vers la diète et le pacte fédéral de 1815 ? gardera-t-elle quelque chose des institutions de 1848 ? L’organisation de son unité nouvelle n’aura-t-elle été qu’un immense avortement ? Le drame compliqué qui se joue depuis bientôt deux ans chez nos voisins approche du dénoûment, et à mesure que le dénoûment approche, le nombre des acteurs diminue. L’année dernière, la scène était chargée de personnages nombreux et divers. Cette année, il n’y a plus que deux acteurs derrière lesquels se sont rangés leu à peu tous les autres, l’Autriche et la Prusse.

Nous avons déjà expliqué l’effet de la réapparition de l’Autriche en Allemagne. Tant que l’Autriche a eu sur les bras la Hongrie et l’Italie, l’Autriche s’est tenue à l’écart de l’Allemagne. Elle faisait faire. Une fois libre des embarras que lui donnaient ces deux grandes insurrections, l’Autriche a reparu en Allemagne.

Nous ne pouvons pas parler des victoires de l’Autriche en Hongrie sans penser aux tristes exécutions qui ont ému l’Europe. Les guerres civiles ont surtout, besoin de clémence, parce que le sang qu’elle répandent dans les combats étaient déjà un crime, celui qu’elles répandent après parait encore un plus grand crime, tant on a hâte de voir cesser cette coupable effusion du sang fraternel. Nous entendions rappeler dernièrement ces paroles de Voltaire dans ses Annales de l’empire : « Entre les mécontens de Hongrie et l’empereur, il n’y eut d’autre congrès qu’un échafaud. On l’éleva sur la place, publique d’Epéries, au mois de mars 1687, et il y resta jusqu’à la fin de l’année. Les bourreaux furent lassés à immoler les victimes qu’on leur abandonnait sans beaucoup de choix, si l’on en croit plusieurs historiens contemporains. Il n’y a point d’exemple, dans l’antiquité, d’un massacre si long et si terrible. L’humanité ne frémit pas du nombre d’hommes qui périssent dans tant de batailles, on y est accoutumé : ils meurent les armes à la main et vengés ; mais voir, pendant neuf mois, ses compatriotes traînés juridiquement à une boucherie toujours ouverte, c’était un