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la politique des montagnards et c’est un grand bien ; car, si par hasard le parti modéré voulait de nouveau se laisser aller à quelques fantaisies de controverse sur ces questions, aussitôt on pourrait lui dire : Prenez garde ; si vous traitez cette question à votre manière, le pari montagnard va la traiter aussi à la sienne ; et Dieu sait ce que nous verrons et ce que nous entendrons !

Nous prendrons un ou deux exemples dans les discussions de la tribune, de la presse. On parle beaucoup depuis quelque temps du gouvernement personnel, et ce n’est pas seulement la montagne qui en parle. Ces propos ont aussi accès dans le parti modéré, et nous n’en sommes pas étonnés. Le 31 octobre est une tentative de gouvernement personnel. Cela pourra devenir une faute, nous attendons les résultats définitifs ; mais, assurément, cela n’est pas une illégalité. La constitution de 1848 veut le gouvernement personnel ; elle l’impose, et ce n’est que par une dérogation tacite à cette constitution qu’on peut s’écarter du gouvernement personnel. Ce point de droit ne peut pas être contesté. Arrivons maintenant au fait, et voyons comment le parti modéré et la montagne entendent fort différemment la résistance au gouvernement personnel, comment surtout la montagne pratiquerait cette résistance, aussitôt que le parti modéré semblerait vouloir s’y associer.

Nous ne cachons pas que, même sous la monarchie de juillet, nous avions une sorte de penchant instinctif pour le gouvernement personnel, et voici pourquoi : d’abord, nous n’en craignions pas les abus, étant rassurés sur ce point par les formes du gouvernement parlementaire, qui donnaient en tout le dernier mot à la chambre des députés en premier lieu, aux électeurs ensuite. Nous étions rassurés aussi par le talent des hommes qui entraient ordinairement dans les conseils de la couronne. Nous les croyions trop grands pour se faire de gaieté de cœur de simples courtisans. Nous avions encore une autre raison qui nous faisait pencher vers un peu de gouvernement personnel : c’est que nous avions remarqué que, dans les révolutions de la France, le roi était toujours responsable de fait, quoiqu’il ne le fût pas de droit. Les fictions constitutionnelles n’avaient pas protégé Charles X. ; elles n’ont pas davantage protégé le roi Louis-Philippe. Puisque la fiction de l’irresponsabilité n’était point une protection, devait-elle être une entrave ? Et fallait-il que ce fût celui qui était le plus intéressé à la bonne conduite du gouvernement, celui qui y mettait le plus gros enjeu, celui qui y risquait sa destinée et celle de toute sa famille, fallait-il que ce fût celui-là même qui fût étranger au gouvernement ? Non ; la responsabilité effective du roi, trop vérifiée par l’expérience des révolutions, faisait que le roi devait avoir aussi une part dans le gouvernement. Ce que la nécessité imposait au roi, quoique la constitution le lui refusât, aujourd’hui la constitution et la nécessité l’imposent aussi au président. Il doit avoir part au gouvernement ; il doit gouverner. Que parle-t-on donc au gouvernement personnel comme d’un grief ? Le gouvernement personnel est en France un fait permanent ; c’est de plus aujourd’hui un fait légal.

Nous ne voulons pas, du reste, traiter ce point de droit constitutionnel. Nous voulons seulement faire remarquer comment le parti modéré et la montagne entendent différemment la résistance au gouvernement personnel. La montagne en effet n’entend la résistance au gouvernement personnel que sous la forme d’une accusation ou d’une insurrection. Un grand procès révolutionnaire ou