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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 novembre 1849.

Examinons un instant avec attention le rôle que joue la montagne, et ne craignons pas d’en faire ressortir l’utilité et l’à-propos. Si nous pensions que la montagne nous lût, peut-être hésiterions-nous à parler comme nous le voulons faire mais nous sommes tranquilles sur ce point.

Depuis le 31 octobre, l’union persistante du parti modéré tient en grande partie aux utiles avertissemens que la violence de la montagne donne à la majorité. Nous remercions donc la montagne. Nous savons bien que le parti modéré se croit sage par lui-même, et non point par le contre-coup des fureurs de la montagne ; cependant nous serions désespérés que la majorité fût livrée seulement à sa propre prudence. Cette défiance est-elle de notre part un signe de malveillance ? Assurément non ; mais nous croyons que la majorité est composée d’hommes, et par conséquent d’êtres faillibles, d’hommes fort spirituels et par conséquent plus faillibles encore que les autres. Pensez-vous que la majorité n’aimerait pas beaucoup mieux se débattre entre soi, entre hommes distingués, et avec les formes polies et éloquentes dont nous avions pris l’habitude depuis trente ans, que d’avoir à lutter contre l’esprit des clubs et la rhétorique des estaminets ? ce serait, en vérité, beaucoup plus doux ; mais, grace à la présence de la montagne, la majorité est forcée de reconnaître que cela est impossible. Non, la société polie ne peut pas discuter ses questions de droit et de bienséance politique, quand elle est sans cesse avertie qu’au-dessous d’elle frémit et bouillonne une société tumultueuse et violente ; non, Byzance ne peut pas disputer à son aise sur la lumière créée ou incréé du Thabor, quand les plus farouches et les plus vilains Mahomets du monde sont prêts à assaillir ses murailles.

Il n’y a pas une seule des questions qui étaient chères au grand parti modéré il y a trois ou quatre ans, et autour desquelles il aimait à combattre ; il n’y a pas, disons-nous, une seule de ces questions qui n’ait son pendant dans