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demandant à chaque contribuable le dixième de son revenu dans les bonnes années, et le cinquième peut-être dans les mauvaises ?

Le projet de loi méconnaît ces nécessités ; c’est par voie de superfétation qu’il entame la réforme de l’impôt. Les combinaisons du ministre soulèvent ainsi une fin de non-recevoir inexorable.

Quant à l’impossibilité d’introduire chez nous une taxe personnelle sur le revenu, elle est à la fois absolue et relative On aura beau s’agiter et s’ingénier, on ne trouvera pas une base certaine d’évaluation. Si tous les revenus se composaient de rentes foncières ou de rentes sur l’état, il y aurait dans ces élémens une stabilité qui permettrait d’asseoir la contribution de l’année qui court sur les résultats moyens des trois dernières années, ou même sur ceux de l’année précédente ; mais l’industrie du fermier, celle du fabricant, celle du négociant et les professions libérales présentent des chances dont l’inégalité varie à l’infini. Là, le revenu est toujours problématique ; il se forme jour par jour, et se trouve quelquefois détruit par une bourrasque ou par un caprice de la santé ou de la fortune. La meilleure année peut se dénouer par un résultat négatif ; la plus médiocre a des retours inespérés d’abondance. Les moyennes, construites soit d’après les termes les plus éloignés, soit d’après les précédens les plus immédiats, ne servent pas légitimement à présumer cette moisson de l’année sur laquelle l’état veut prélever sa dîme. L’impôt se trouverait souvent excessif quand il devrait être modéré, et trop faible quand il devrait donner des résultats importans. Il y a là une mobilité naturelle qui défie les combinaisons les plus prévoyantes, car l’incertitude existe jusqu’au dernier moment pour tout le monde, et pour le contribuable lui-même comme pour les agens du fisc. Autant vaudrait déterminer les cotes au hasard que d’essayer de les proportionner aux fortunes.

Mais supposons, pour un instant, cette difficulté soluble ; par quel moyen la résoudra-t-on ? Il n’y a pas deux systèmes, il n’y en a qu’un, quoique la commission de l’assemblée constituante, qui en envisageait avec terreur les conséquences, n’ait pas eu le courage de l’aborder : ce système, c’est la déclaration du contribuable, contrôlée par les recherches dont l’état confie le soin aux agens qui le représentent. Nos mœurs doivent-elles faciliter et notre état social peut-il supporter une pareille épreuve ? Voilà toute la question.

On comprend à la rigueur que cette recherche soit compatible avec les mœurs de quelques états peu étendus, dont les habitans ne forment, pour ainsi dire, qu’une famille, où le fisc peut se confier à la parole encore naïve de l’homme, et dans lesquels le contrôle mutuel de la fortune des citoyens est rendu plus facile par des relations étroites de chaque jour. Ce qui permet à l’administration britannique d’asseoir l’icome tax presque invariablement sur la déclaration des contribuables,