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réussi. On a su gré à l’auteur même de ne pas avoir assez d’expérience pour faire une bonne pièce c’est un avantage sans doute ; toutefois nous n’oserions pas conseiller à M. Mürger d’en abuser trop souvent.

Ce n’est pas là, on le comprend, que nous pouvons nous arrêter et nous complaire : c’est déjà beaucoup, d’y sourire un moment avant de passer outre ; mais, dans ce temps si fertile en contrastes, en disparates de toutes sortes, ou trouve quelque plaisir, quelque variété piquante, à passer d’un extrême à l’autre dans les régions de l’intelligence, et, après avoir salué du regard ce rayon de poésie adolescente à travers-, la brume matinale, à revenir à quelque livre sérieux, à quelque œuvre d’une lecture substantielle et féconde, telle qu’on en écrit loin, bien loin de la Bohême. Cette complaisance de l’esprit moderne pour ses fantaisies et ses caprices, cette tendance même à s’y attarder un peu trop et à rester adolescent dans l’âge de la virilité donne, selon nous, plus d’importance et plus de prix encore aux travaux où se révèle le goût des fortes études, des recherches patientes, le désir sincère de faire profiter notre société et notre époque des enseignemens de l’histoire, des découvertes de l’érudition dans les archives du passé. Nous devons compter au nombre de ces publications trop rares le tableau de la France au temps des Croisades, par M. de Vaublanc[1]. L’auteur de ce livre ne dissimule pas ses sympathies pour ces temps chevaleresque qu’ont trop calomniés nos dédains et trop justifiés nos folies. En consacrant douze années de travail et d’étude à cette peinture de la France au XIIe siècle, en s’efforçant de faire jaillir la lumière du fond de ces lointains souvenirs, de nous montrer ce qu’étaient alors la société, la civilisation renaissante, l’état des sciences et des arts, le culte de la royauté, le véritable esprit chevaleresque, M. de Vaublanc n’a pas prétendu nous ramener violemment vers les siècles écoulés, nous contraindre à déplorer ou à maudire les progrès qu’ont faits depuis ce temps la société et l’humanité : il a voulu seulement replacer sous leur véritable jour les faits défigurés par les diverses écoles philosophiques ou révolutionnaires, constater que la féodalité ne fut pas la barbarie, que cette forte et puissante nourrice pouvait seule allaiter le genre humain redevenu enfant, et que c’est sous le souffle fécond de l’esprit féodal et chrétien qu’a pu naître et grandir cet esprit moderne, ingrat héritier, si enclin à oublier son origine. Cette tâche, dans la mesure et le ton qu’a constamment observés l’ingénieux et savant écrivain, n’a rien que de salutaire, surtout dans une époque trop semblable au dissipateur insensé qui se hâte de jeter au vent son patrimoine et laisse croire que ses ancêtres ne possédaient rien pour se dispenser d’avouer qu’il gaspille tout. Telle ne sera jamais la pensée de l’homme sage en tournant ses regards vers le passé et en les ramenant sur le présent. Comme M. de Vaublanc, il se dira qu’il y a une distinction capitale à faire, et que l’héritier spirituel honore ses aïeux, même quand il ne songe pas à les ressusciter.

C’est encore le fruit de longues et patientes recherches qu’a publié M. René de Bouillé sous le titre d’Histoire des Ducs de Guise. Ainsi que l’historien le remarque avec justesse, on avait droit de s’étonner que cette maison de Lorraine, si puissante, si illustre, si intimement mêlée à tous les événemens

  1. 4 volumes in-8o, chez Techener, place du Louvre, 12.