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On a voulu qu’il pacifiât la France, qu’il restaurât toutes les garanties de l’ordre social ébranlé, qu’il présidât à la refonte des institutions organiques qui, sous quelque forme de gouvernement que l’avenir nous réserve, doivent équiper à la fois la société française pour la stabilité et pour le progrès. Dans les circonstances actuelles, ne pas se préparer à soutenir en 1852 la candidature du prince Louis-Napoléon, serait donc de la part des partis monarchiques une inconséquence, une ingratitude, une faute de tactique et un suicide.

Telle est, sur la question de la reconstitution d’un pouvoir permanent, la situation actuelle des partis qui composent, dans le pays et dans l’assemblée législative, le parti modéré, anti-révolutionnaire et anti-socialiste. S’il n’y a point d’anneaux faussés dans l’analyse précédente, il en sort une conclusion rigoureuse : c’est qu’aucune dissidence au sein du parti modéré, sur cette question, ne pourrait se justifier par des motifs honnêtes, sensés, politiques et patriotiques. Les intérêts sacrés qui nous arment contre le parti du mal nous prescrivent avec la même autorité de rester unis, de travailler à reconstituer un pouvoir permanent, et de préparer la seconde candidature de Louis-Napoléon. Nous savons ce que nous devons vouloir, il s’agit maintenant de bien vouloir ce que nous voulons. Cela me conduit il la seconde question sur laquelle des dissentimens puissent naître entre le président et le parti modéré représenté par la majorité de l’assemblée législative : c’est la question de l’initiative gouvernementale, c’est la politique du message.

Ceux d’entre nous qui ont eu à défendre le régime tombé contre une opposition qui lui reprochait surtout ce qu’on appelait les usurpations du gouvernement personnel, ne peuvent s’empêcher d’admirer d’abord devant la politique du message, le jeu ironique des révolutions. On a fait en grande partie une révolution contre l’initiative exercée dans la direction des affaires par le chef de l’état, et la conséquence de cette révolution est d’attribuer au chef de l’état la responsabilité et par conséquent l’impulsion tout entière du gouvernement. On voulait que Louis-Philippe régnât sans gouverner ; on a Louis-Napoléon qui gouverne sans régner. À force de s’agiter, voilà où l’on a été mené. Certes, avec des habitudes si invétérées non-seulement dans l’ancienne opposition constitutionnelle, mais dans le parti républicain, je ne suis pas surpris de l’émotion qu’a excitée l’acte par lequel le prince Louis-Napoléon a saisi le pouvoir et a déclaré qu’il voulait couvrir ses ministres, au lieu d’être couvert par eux. Que le président fût dans la stricte limite de son droit constitutionnel, le silence de l’assemblée législative l’a proclamé ; mais, la question de légalité mise de côté, on peut discuter la convenance de la politique du message. Cette politique crée-t-elle un danger ? Annonce-t-elle une scission, une lutte avec l’assemblée législative ?