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et, à la faveur de cette exonération du trésor, de faire refluer une vingtaine de millions sur celles de nos grandes entreprises de navigation qui sont les plus avancées, et qui promettent les produits les plus incontestables et les plus prochains. Le budget extraordinaire se trouverait donc soulagé de 34 millions, au moins, et réduit, à 60 millions environ pour les ouvrages qui rentrent dans les attributions du ministre les travaux publics, c’est-à-dire qu’il resterait inférieur au montant de la dotation actuelle de l’amortissement. Si je fais ce rapprochement, c’est que j’adhère complètement à l’idée émise par l’honorable M. Léon Faucher, d’appliquer d’une manière spéciale les fonds d’amortissement à la continuation des grandes entreprises d’utilité publique. C’est en effet, je le répète, une manière très efficace de diminuer le poids de sa dette, que d’accroître la partie la plus productive de son capital. La monarchie voulait donner cette destination aux rentes rachetées. C’est ainsi qu’elle entendait faire fructifier les épargnes accumulées dans l’activité régulière d’une longue et fertile paix. hélas ! d’épargnes, en ce moment, il n’en est plus question ; les voilà qui disparaissent du catalogue de nos ressources, le gouffre révolutionnaire les a englouties ! Que la dotation de l’amortissement n’aille pas du moins où sont ses réserves, et, s’il est nécessaire d’en faire emploi pour soulager le présent, qu’elle serve du moins intégralement à améliorer la situation de l’avenir. Ce sera encore répondre à sa destination.

Les travaux publics, si bienfaisans et si féconds dans les temps calmes et réguliers sont encore la grande ressource, la ressource la plus efficace et la plus rationnelle des temps calamiteux. Le mal, c’est que les grandes catastrophes et avant tout les crises révolutionnaires, en jetant le désordre dans les finances de l’état et en comprimant l’expansion naturelle de son crédit, viennent opposer l’obstacle le plus sérieux à la création de ces monumens qui sont à la fois un signe de paix et un gage de prospérité pour le pays. Il semble que le gouvernement provisoire ait pris à tâche de porter ce mal à son comble ; et tous les efforts doivent tendre à reconstituer au plus vite le faisceau des forces qu’il a si imprudemment dispersées et en grande partie détruites. Il faut d’abord ranimer par des concessions efficaces, et rassurer, par une manifestation éclatante, l’esprit d’association, si follement attaqué et menacé par ceux-là mêmes qui ont rendu son concours plus indispensable que jamais. Il faut aussi, aux avances de l’industrie privée, ajouter les sacrifices de l’état dans une mesure qui réponde aux besoins de la situation, et selon les nécessités d’une distribution intelligente et utile. J’ai dit les moyens d’atteindre ce double but. Ces moyes porteraient à 176 millions[1] les ressources des travaux extraordinaires pour 1850. Ce serait encore loin, tout compte fait, des sommes appliquées au même usage dans les dernières années de la monarchie ; mais, du moins, toutes les grandes entreprises seraient-elles pourvues de manière à marcher rapidement à leur terme, et à compenser prochainement par leurs produits les sacrifices qu’elles ont coûtés. Ce but sera-t-il atteint ? Nous avons besoin de le croire, et ce besoin sera celui de tous les hommes qui mettent la grandeur et la prospérité au-dessus des formes politiques et des préoccupations de partis.


CHARLES COLLIGNON.

  1. 116 millions fournis par les compagnies, et 60 millions par l’état.