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la prudence pour soi-même ; c’est aussi donner à ceux avec qui l’on traite cette première garantie qui la mesure des moyens et dans la circonspection touchant les intérêts de l’avenir. Or, qu’on ne s’y trompe pas, nous ne sommes plus à l’époque des spéculations hasardées ; d’aventureux qu’ils étaient, les capitaux sont devenus inquiets et craintifs ; les résultats prochains et assurés auront en ce moment plus d’attrait pour eux que les longues concessions, et leur circonspection actuelle dit assez qu’ils ne sont pas disposés se livrer au leurre de profits lointains, qu’on n’aperçoit guère aujourd’hui qu’au travers des grandes aventures.

La situation nous paraît donc indiquer qu’il y a lieu de simplifier le projet de concession du chemin de fer de Paris à Lyon et à Avignon en ce sens que le capital de la compagnie sera fixé à 240 millions, en ajournant la traversée de Lyon, — que l’état garantira à la compagnie, outre l’intérêt à 5 pour 100 de ce capital, un amortissement de 1 pour 100, moyennant droit la durée de la concession sera limitée à trante-sept ans ; à ces conditions, toute subvention en argent ou en travaux, autres que ceux exécutés, sera supprimée.

Cette sécurité nouvelle donnée à la compagnie empiétera, il est vrai, sur ses chances de bénéfices au-delà de l’intérêt de 5 pour 100 ; mais aujourd’hui la sécurité importe plus aux capitalistes que les gros profits, elle est plus conforme à la nature des engagemens dans lesquels l’état intervient, et elle doit en faire le caractère essentiel. D’un autre côté, on peut, par une sorte de compensation, renoncer pour l’état au partage de bénéfices stipulé en sa faveur au-delà du revenu de 8 pour 100. Qu’on laisse la compagnie développer à son aise, pour en jouir exclusivement, toutes les bonnes chances de l’entreprise ; l’état trouvera son compte dans une combinaison qui rapproche le jour où le chemin de fer rentrera dans sa possession. À ce jour, il importe en effet que l’état reçoive l’entreprise en grande prospérité et bien achalandée.

Le chemin de fer qui lie Paris aux trois grandes métropoles de l’est Metz, Nancy et Strasbourg, qui doit desservir la Champagne, la Lorraine et l’Alsace, en allant droit à la seule frontière que l’importance stratégique des chemins de fer puisse sérieusement menacer, et en rattachant directement la France au vaste réseau des rail-ways allemands, le chemin de Strasbourg, en un mot, offre un intérêt tout spécial et un caractère d’urgence tout particulier. Il s’exécute, avec les embranchemens de Sarrebruck et de Reims, dans les conditions de la loi de 1842 un peu modifiée ; sa situation est celle-ci : — l’état y a dépensé 77 millions[1], et il achèvera sa tâche avec 28 millions, d’après une estimation qui, dans la situation des travaux, peut être regardée comme digne de toute confiance. — La compagnie concessionnaire s’est constituée au capital de 125 millions : elle en a déjà réalisé 75, et il lui en reste encore 50 à réclamer de ses actionnaires ; mais, au cours actuel des actions, les 75 millions versés n’en vaudraient en ce moment que 38 ; il y aurait donc, comme valeurs négociables, une perle actuelle de 37 millions : la durée de la concession du chemin de Strasbourg est fixée à quarante-quatre ans.

Pour le chemin d’Orléans à Bordeaux, la dépense de l’état s’élève à 55 millions ;

  1. Ici comme pour les autres travaux, nous comptons comme dépenses les fonds alloues pour 1849.