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à leur terme et qui promettent des résultats immédiats, pour commencer de l’autre des ouvrages de perfectionnement dont la jouissance est moins urgente, et surtout ne peut pas être prochaine, c’est assurément méconnaître les principes de l’utilité en pareille matière, et s’écarter du bon et judicieux emploi des deniers publics.

Et qu’on n’invoque pas, pour justifier toutes ces mesures, l’intérêt des ouvriers. Ce qu’il leur fallait, c’était un travail sérieux et un salaire honorable. Dans les premiers jours du chômage, ils auraient suivi le travail partout où il leur eût été offert, et encore une fois le mieux pour eux et pour le pays, c’était de les distribuer sur un grand nombre de points et le distance de Paris, et non pas de les accumuler autour de la capitale, de les y concentrer par la plus aveugle imprévoyance, sinon dans des vues qu’il est permis à tout homme animé du sentiment de l’ordre d’appeler criminelles. Malheureusement ce qui était facile au début, ce qui eût été répondre au sentiment de l’immense majorité de la classe ouvrière, était devenu plein de difficultés et de périls après la propagande de déception et de terreur fomentée et poursuivie dans le désordre des ateliers nationaux.

Le ministre des travaux publics le disait dans son rapport à l’assemblée nationale[1] : « Aux hommes que les ateliers nationaux alimentent, il faut de vastes débouchés. De grands travaux industriels, des creusemens de canaux, des endiguemens de rivières, des desséchemens, des routes, de vastes et intelligentes cultures, voilà où vous trouverez ces débouchés. » Eh bien ! le ministre avait tout cela dès l’origine, et, je le répète sa première pensée avait été d’user de ces ressources, comme son dernier acte était de donner le conseil d’y recourir. Ce conseil, la constituante l’a-t-elle écouté !


II

Dieu nous garde de méconnaître et de contester les services que la constituante de 1848 a rendus au pays : c’en était déjà un immense que d’introniser le droit à la place du fait, et de substituer une délégation régulière de la volonté nationale à une usurpation dont les actes étaient loin de purifier l’origine ; mais, au point de vue qui nous occupe ici, l’assemblée constituante a-t-elle compris le véritable caractère de la situation, a-t-elle apprécié la nature et l’utilité des efforts les plus propres à hâter le retour des travaux et à soulager le présent en dotant l’avenir de ressources nouvelles ? Hélas ! non. La constituante de 1848 avait plutôt l’instinct de l’ordre que la sûre et ferme intelligence des conditions dans lesquelles il peut renaître et prospérer, et c’est plus par instinct que par une conviction éclairée et réfléchie qu’elle a refusé de suivre les faiseurs de systèmes financiers, économiques ou sociaux. En ce qui concerne les souffrances des classes ouvrières, elle n’a guère trouvé que l’expédient précaire des aumônes du trésor public, et pour ce qui regarde les problèmes difficiles qui se rattachent à l’industrie, au travail et au crédit, elle a juste mérité, mais rien de plus, l’éloge que lui adressait M. Marrast dans son discours de clôture : « Vous avez voulu prouver, a-t-il dit, que vous ne passiez pas

  1. Séance du 8 mai 1848.