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la barbarie primitive, et cependant M. Taylor n’a pas pris parti les commun insurgées, comme il n’a point cru que leur triomphe importât à la civilisation, il a fait la part égale à chacun ; il est resté calme, presque impassible, en homme qui savait que, pour enfanter l’avenir, il fallait que l’autorité domptât l’esprit d’insubordination, et que l’esprit d’insubordination rappelât à l’autorité que tout ne lui était pas possible. Sans céder en esclave aucune sympathie ou à aucune antipathie, sans se permettre de juger les instrumens dont Dieu se servait pour ses fins, il s’est plu à observer comment en Flandre, au XIVe siècle, les communes et la féodalité préparaient ce que Dieu voulait et ce qui n’était ni le but des communes ni celui des seigneurs.

Je ne suppose point ici à M. Taylor des idées qu’il n’a point, ou du moins je ne fais qu’indiquer ce qui, pour mes yeux, est écrit en gros caractères dans son œuvre. Quand Van den Bosch propose à Artevelde le pouvoir et le voit hésiter, il s’écrie :

« Il fut un temps où il n’était pas à Gand un citoyen qui n’eût été prêt à librement mourir pour la liberté !

« — Tu baptises d’un beau nom ta cause, répond Artevelde ; cela est vrai, se choisir des despotes est encore une liberté, la seule liberté possible pour cette turbulente cité ; la gouverne qui plaît à Dieu ! Et, du temps de mon père, nous étions indépendans, sinon libres ; et la richesse naît de l’indépendance, comme l’affranchissement sort plus ou moins de la richesse… Ta cause pourtant est bonne, je te l’accorde. »

Et plus loin :

« Crois-moi, Pierre, ta manière de mener la ville est trop désordonnée… Ta force se dépense et ne s’augmente pas. Pour t’attacher les misérables et les forcenés, tu leur as livré la dépouille des riches. Les riches, à leur tour, sont devenus misérables et forcenés. Ils te menacent d’une armée, et, comme il ne reste rien à piller, tes bons amis s’en vont.

« VAN DEN Bosch. — Que la malédiction de Dieu les accompagne !

« ARTEVELDE. — Cela est fort probable, ils l’ont portée avec eux de tous côtés pendant ces cinq longues années ; ils l’ont portée avec eux dans la cabane du paysan, ils l’ont portée avec eux dans la boutique du bourgeois. C’était une malédiction errante, qui n’a pas cessé de marcher sur leurs talons, et il est assez à présumer qu’elle demeurera avec eux. »

On reconnaît aisément dans Van den Bosch l’homme qui s’empare du pouvoir le jour de l’émeute, l’homme qui a l’énergie du sang qui frappe par colère, parce qu’il est venu au monde impérieux et agressif. Peu importe à Van den Bosch sur qui ses coups tombent : il ne conçoit d’autre moyen pour gouverner que de se faire craindre. Du moment où paraît Artevelde, la scène change soudain. Aux acclamations des Gantois qui le saluent capitaine, voici comment il répond du haut de son balcon :

« Ainsi soit-il ! Maintenant écoutez bien le premier ordre de votre capitaine. Jusqu’ici, à la moindre mésaventure, il a été d’usage pour plusieurs de réclamer la paix à grands cris ; cela est funeste, cela ébranle le courage des forts… En conséquence, mon plaisir est et je décrète que quiconque parlera seulement