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lieu de s’incorporer aux biens et de se transmettre avec eux. C’est le procédé des temps barbares ; c’eût la contribution de guerre : seulement on n’a pas l’excuse de la lever en pas ennemi.

Le projet d’impôt sur le revenu mobilier, présenté à l’assemblée constituante le 4 août 1848, fut le second pas dans cette voie de déraison dans laquelle on avait engagé nos finances. M. Goudchaux ne se proposait pas seulement « d’établir l’égalité proportionnelle entre les charges qui pesaient sur les revenus mobiliers et celles qui atteignaient les revenus immobiliers ; » il affichait une pensée plus ambitieuse. Il voulait « ramener à l’agriculture les capitaux et les bras maintenant détournés vers les opérations industrielles et vers les grands centres de population. » En ce temps-là, un ministre ne craignait pas de se poser en régulateur du travail et de la richesse. On avait la prétention de diriger l’emploi, des capitaux en aggravant d’un côté et en allégeant de l’autre le fardeau des taxes, comme si les capitaux n’étaient pas déterminés dans leurs tendances par les risques qu’ils peuvent courir, combinés avec les profits que le capitaliste s’en promet ! Passe pour renverser un gouvernement ; mais on ne change pas à volonté les lois de l’économie politique.

M. Goudchaux évaluait à 3,716 millions les revenus mobiliers de la France, savoir :


Bénéfices réalisés par les fermiers dans l’exploitation agricole 1,066,000,000 fr.
Profits obtenus par le commerce et par l’industrie déduction faite des charges. 1,100,000,000
Produit net des offices ministériels et des professions libérales 300,000,000
Pensions et traitemens publics, non compris les traitemens militaires, jusqu’au grade de capitaine et de lieutenant de vaisseau 260,000,000
Les salaires pour un dixième de leur chiffre réel 300,000,000
Les rentes, dividendes, intérêts de créances et annuités 510,000,000

Sur cette somme de revenus qu’il réduisait à 3 milliards, de peur de mécompte, M. Goudchaux établissait une taxe de 2 pour 100 ; mais les souvenirs qu’avait laissés la dernière opération de recensement, autant que la difficulté de proportionner la contribution aux facultés de chaque contribuable, le déterminaient à en faire un impôt de répartition qu’il portait à 60 millions.

Le projet souleva dans les bureaux de l’assemblée constituante une réprobation à peu près unanime. Les uns s’en prirent au principe, les