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qu’elles s’écoutent, qu’elles se comprennent mutuellement, et nous verrons se réaliser notre rêve.

— Eh bien ! madame la marquise, dit M. Levrault allant droit au but, si vous souhaitez sincèrement que notre rêve se réalise, pourquoi votre fils ne donne-t-il pas lui-même l’exemple de la réconciliation ? Qu’attend-il pour se rallier ?

— Mon fils est libre et ne prendra conseil que de sa conscience. Qu’il se décide à se rallier, je ne l’en détournerai pas ; mais vous comprenez bien, mon ami, que ce n’est pas moi qui dois l’y pousser.

— Ne m’avez-vous pas dit que c’était là son intention ?

— Oui, mon ami, je le croyais, et je vous l’ai dit.

— Vous le croyiez, madame la marquise ! s’écria M. Levrault qui se contenait à peine ; mais, à vous entendre, vous en étiez sûre, et j’y comptais.

— Je n’ai pas engagé ma parole pour mon fils, je n’ai pas pu vous répondre de ses intentions ; mais pourquoi tant insister sur ce point ? Quel intérêt si puissant attachez-vous à cette démarche ?

— Pourquoi ? Quel intérêt ? Vous le savez, madame ; vous connaissez mon ambition.

— Eh ! mon ami, pouvez-vous souhaiter une vie plus heureuse que la vôtre ? Que manque-t-il à votre félicité ? Entouré d’une famille qui vous aime, vous passez l’hiver au milieu des fêtes. Vienne le printemps, vous avez en Bretagne le château Levrault qui vous appelle, qui vous tend les bras. Ah ! mon ami, vous êtes bien injuste envers la Providence. Riche comme vous l’êtes, vous n’avez qu’un mot à dire pour rassembler les débris du patrimoine des La Rochelandier. Initié à toutes les découvertes de la science moderne, dans ce domaine reconstitué par vous, qui vous empêche de faire pour l’agriculture ce que vous avez fait pour la grande industrie ?

— Vous ne parliez pas ainsi à la Trélade, madame la marquise. Vous trouviez en moi l’étoffe d’un homme d’état, vous me rendiez justice. Ma place, disiez-vous, était à la tribune, dans le conseil. Loin de condamner mes espérances, vous les encouragiez. Vous vous étonniez qu’un homme de ma valeur se résignât à l’inaction, à l’obscurité, quand une foule de médiocrités se prélassaient dans les hautes sphères du pouvoir ; vous approuviez la pensée qui m’avait conduit en Bretagne.

— Eh bien ! mon ami, dit la marquise avec un geste de résignation, si vous ne sentez pas tout le prix de votre bonheur, si vous fuyez la paix, si la vie seigneuriale ne vous sourit pas, si l’ambition est votre marotte, si vous avez compté sur mon fils, adressez-vous à lui ; lui seul peut vous répondre.

Ici, M. Levrault se leva blême de colère.

— Madame la marquise, vous vous êtes jouée de moi. Aujourd’hui,